Intégrale de l’œuvre pour piano seul de Mendelssohn  par Howard Shelley, volume 5

par

Felix Mendelssohn (1809-1847) : Variations sérieuses en ré mineur op. 54 ; Six Kinderstücke « Morceaux de Noël », op. 72 ; 2 Kinderstücke ; Variations en mi bémol majeur op. 82 ; Gondellied en la majeur WoO10 ; Romance sans parole en fa majeur « An Fräulein Doris Loewe » ; Lied en ré majeur ; Variations en si bémol majeur op. 83 ; Trois Préludes op. 104a ; Trois Etudes op. 104b ; Romances sans paroles, Livre VI, op. 67. Howard Shelley, piano. 2019. Notice en anglais, en français et en allemand. 79.00. Hypérion CDA68344.

L’infatigable pianiste britannique Howard Shelley (°1950) est à la tête d’une impressionnante discographie de plus de cent cinquante disques pour plusieurs labels (Chandos, Hypérion, EMI…), couvrant un répertoire classique et romantique très large, dont de nombreuses pages de compositeurs moins fréquentés. On lui doit aussi des intégrales de la musique pour piano seul de Rachmaninov ou de Clementi. Il n’est dès lors pas étonnant de le voir s’intéresser à Mendelssohn, dont il signe déjà le cinquième volet d’une intégrale en cours, conçue globalement dans un ordre chronologique. Cette disposition entraîne la dispersion des divers livres des Romances sans paroles au gré des parutions. Le présent CD propose des œuvres situées entre 1834 et 1845, années au cours desquelles verront le jour, après la Lobgesang, la Symphonie Ecossaise ou le Concerto pour violon

Le récital s’ouvre par un authentique chef-d’œuvre, les Variations sérieuses op. 54 de 1841, sur lesquelles Vladimir Horowitz a déposé son indémodable marque. Publiées en 1842 dans un album destiné à financer l’érection d’un monument en hommage à Beethoven, elles s’inscrivent dans l’esprit des 32 Variations en do mineur de 1806 du maître de Bonn, et le qualificatif « sérieuses » précise que les dix-sept variations mendelssohniennes ne seront pas représentatives d’un caractère léger et divertissant en vogue à l’époque. Elles sont au contraire d’une grande densité expressive, à partir d’un thème à la fois pathétique et austère, dans l’esprit d’un choral. Ce même été 1841, Mendelssohn écrit deux autres séries de Variations, op. 82 et 83, de type respectivement plus sentimental et plus gracieux, comme le compositeur le confia dans une lettre à sa sœur Rebecka. Elles font preuve d’effusions lyriques, de jolis thèmes chromatiques et de registres différents des plus séduisants. L’année suivante, des Kinderstücke éclairent la capacité du compositeur à comprendre l’âme enfantine. L’opus 72 sera publié en Angleterre, où il a été écrit pour la progéniture d’un oncle de sa femme Cécile Jeanrenaud, sous le titre « Christmas pieces », qui situe bien leur côté poétiquement candide. Deux autres Kinderstücke (un Andante et un Sostenuto), composés le même été mais non repris dans l’opus 72, viennent s’y ajouter, l’ensemble de ces huit morceaux trouvant une place proche des albums pour la jeunesse de Schumann. 

Retour en arrière pour une page de 1837, le dansant Gondellied aux allures de barcarolle, puis pour les Trois Préludes de 1836 et les Trois Etudes écrites entre 1834 et 1838, opus 104 a et b, le tout publié à titre posthume. Il s’agit de pièces sans virtuosité gratuite, même si les agilités digitales sont présentes, en particulier dans les Etudes. Le programme se conclut par le sixième Livre des Romances sans paroles, composé entre 1843 et 1845, qui s’ouvre par un Andante suivi d’un Allegro leggiero, deux romances, fraîche puis mélancolique. Suivent un Andante tranquillo syncopé, le célèbre Presto « La Fileuse » empreint, avec ses figures tourbillonnantes, d’une joyeuse vitalité, un Moderato nostalgique et une berceuse légère. 

Howard Shelley est à l’aise tout au long de ce programme qui alterne des pages de haute inspiration à côté d’autres en léger retrait. Le pianiste aborde chacune d’elles avec un profond respect qui se manifeste tant par l’élégance que par la finesse, mais aussi par une vaste gamme de nuances et une rondeur de son qui se révèle souvent bondissante à l’occasion des pièces plus légères, tout en préservant le caractère intime lorsqu’il est présent. Dans cet enregistrement effectué du 21 au 23 novembre 2019 à Londres, on pourra considérer que les Variations sérieuses le sont peut-être un peu trop, quoique dans l’esprit, et préférer retourner à Horowitz déjà cité ou à Murray Perahia. Par contre, les Kinderstücke sont des moments délicieux, les Préludes et Etudes sont structurés, et le Livre VI des Romances sans paroles révèle toutes les capacités de couleurs de Shelley. Lorsque le sixième et dernier volet de son intégrale paraîtra, celle-ci pourra briguer la place de référence moderne la plus stylée de la musique pour piano de Mendelssohn.   

Son : 10  Notice : 9  Répertoire : 9  Interprétation : 9

Jean Lacroix

 

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