Le Concours Reine Elisabeth : c'est parti !!!

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Coup d’envoi pour les épreuves éliminatoires du Concours International Reine Elisabeth ce mercredi après-midi à Flagey, en présence de la Reine Mathilde succédant cette année à la Reine Fabiola. 64 candidats sont attendus sur la scène du Studio 4 sur les 73 sélectionnés au départ. Devant un jury international d’exception (Van Dam, Berganza, Anderson, Bayo, Deutsch…), chaque candidat interprète deux œuvres de son choix avec piano. Malgré le malaise de la malheureuse candidate belge Jodie Devos qui a interrompu sa prestation et une candidate française souffrante, quelques personnalités se sont déjà démarquées. Mais commençons pour la première partie de l’après-midi :

Prestation en demi-teinte pour la candidate franco-suisse Julie Martin du Theil (soprano). Si ouvrir le concours peut faire peser plus de responsabilités, on perçoit une candidate un peu nerveuse malgré une technique vocale excellente. Le français dans La romance d’Ariel de Debussy est approximatif avec une voix qui reste assez fermée. Même chose pour Spiel ich die Unschuld (Die Fledermaus). La prestation semble calculée, dans des tempi parfois rapides.
Prestation honorable pour Florie Valiquette (Canada, soprano). Si S’altro che lagrime (La Clemenza di Tito) manque parfois de contrastes, sa lecture d’En proie à la tristesse (Le comte Ory) est davantage convaincante. Belle présence scénique, timbre riche et clair. On aurait apprécié plus d’investissement de sa part.
Victime d'un malaise, Jodie Devos (Belge, soprano) n’a pu terminer sa prestation qui avait pourtant magnifiquement commencé avec Je réchauffe les bons (L’enfant et les sortilèges). Souhaitons-lui le meilleur lorsqu'elle reviendra vendredi soir.
La Polonaise Kinga Borowska (mezzo) entame sa prestation avec une lecture structurée et musicale de Allerseelen de Richard Strauss. Timbre délicat, structure aboutie et stabilité. Beaux contrastes dans L’ai-je bien entendu ? – O mon Fernand (La Favorite, Donizetti). L’intonation est claire et les respirations dosées avec justesse. Premier vrai coup de cœur avec la candidate hongroise, Emoke Barath (soprano). Sa lecture de Ich woll’t ein Straüsslein binden de Richard Strauss présente une parfaite compréhension de la structure musicale. No, voi non siete (Il Re pastore, Mozart) pourrait bénéficier de plus d’énergie malgré des dynamiques précises et vives. Beau legato et vibrato très naturel. Prestation plus tendue pour la candidate allemande, Rebecca Verena Koch (soprano). En faisant le choix d’un programme redoutable, la jeune musicienne s’embarrasse de problèmes techniques. Nachtlied de Schumann n’est malheureusement pas abouti, l'intonation pas toujours juste, un malaise dans la structure et un mal être dans l’attitude. Ah, je veux vivre (Roméo et Juliette, Gounod) pose aussi certains problèmes, notamment au point de vue du dynamisme. Une Juliette peu pétillante avec des vocalises un peu raides. On perçoit, malgré tout, une belle voix qui tend à s’améliorer.

Autre coup de cœur en début de soirée avec la candidate coréenne, Hyesang Park (soprano). Cette jeune musicienne interprète Eccomi in lieta vesta – Oh ! Quante volte (I Capuleti e i Montecchi) avec un timbre si chaleureux et si précis que le public semble absorbé par ses paroles. Tant l’italien que l’allemand dans Als mir dein Lied erklang (Richard Strauss) sont compréhensibles. La candidate monte très haut, dès cette première épreuve, le niveau du concours. Excellent dialogue avec sa pianiste, Hyougjin Park.
Le deuxième Belge de la journée -et le premier chanteur masculin, Charles Dekeyser (basse), propose aussi une excellente technique vocale. On aurait souhaité plus de souplesse dans la stature, notamment dans Schlummert ein (Kantate BWV 82, Bach). Malgré sa technique solide, l’émission reste tendue. Il semble plus à l’aise dans La calunnia è un venticello (Il Barbiere di Siviglia) avec quelques beaux contrastes et, clairement, une sensibilité au niveau du style. Charles Dekeyser est un brillant chanteur qui doit maintenant se libérer davantage.
Manque de respiration pour la Française, Charlotte Dellion (soprano). Bonne intonation, pas toujours claire, et timbre parfois effacé dans Temerari, sortite fuori – Come scoglio (Cosi fan tutte). En revanche, son Invitation au voyage de Duparc est réussie. Beau timbre, excellent dialogue avec le pianiste. Une mélodie meilleure que l’opéra.
Cecilia Molinari (Italie, mezzo) débute avec une lecture en dents de scie de Sta nell’Ircana (Alcina – Haendel). Chant trop dans la gorge mais elle n'a que 23 ans. Intéressante lecture d’Agnus Dei de la Petite messe solennelle de Rossini. Plus assurée, elle propose une lecture construite, certes un peu jeune mais en adéquation avec l’accompagnement pianistique.
Autre belle prestation avec Zhang Yuan (Chine, mezzo) malgré un Strauss (Sein wir wieder gut) particulièrement héroïque. Très belle technique vocale, belle perspective dans l’œuvre ainsi que dans Fia dunque vero – Oh moi Fernando (La favorita, Donizetti). Déception avec Hrafnhildur Arnadottir (Islande, soprano) : l’allemand est assez approximatif dans Tiger, wetze nur die Klauen (Zaïde de Mozart) qui manque aussi d’énergie et d’agressivité. Même problème, principalement avec les i, dans Manon de Massenet. Aigus pas toujours précis et un contrôle de la voix omniprésent et dérangeant.
Marta Swiderska (Pologne, mezzo) ne convainc pas non plus. Voyons que j’essaie – En vain pour éviter (Carmen) manque cruellement de précision dans l’intonation. Le style est un peu lourd et le vibrato trop riche tandis qu’elle ne parvient pas à dominer face au piano. Mêmes soucis dans Fia dunque vero - Oh moi Fernando (La Favorita de Donizetti). Camille Schnoor, souffrante, (France, soprano) chantera vendredi soir.
Puis une prestation exceptionnelle pour Virginia Blanco Pérez (Espagne, soprano). Malgré un français approximatif, on est séduit par son timbre doux, précis et délicat, qui convient parfaitement à Apparition de Debussy. Mais c’est sans nul doute Quel guardo il cavaliere – So anch’io la virtu magica de Don Pasquale qui emporte tous les suffrages. Italien parfait, aigus excellents, beau travail sur les respirations et une forme aboutie, le tout dans une présence scénique de taille.
Belle prestation pour Laure Barras (Suisse-Canada, soprano) qui débute avec une lecture juste de Temerari, sortite fuori – Como scoglio (Cosi fan tutte). Dans l’esprit du personnage, elle continue avec Green de Debussy, une œuvre qui lui convient à merveille. Vibrato mesuré et maîtrisé, français excellent et tempo vif mais pas excessif.
Le jeune Chang Liu (Chine, ténor) conclut tristement la soirée. Manque de respiration pour Dies Bildnis ist bezaubernd schön (Die Zauberflöte, Mozart), émission tendue tandis que l’allemand n’est pas encore abouti. Il part plus à l’aise dans Quel Trouble – Salut, demeure chaste et pure (Faust, Gounod) mais ne parvient pas à finir la partition avec la même énergie. Certains aigus ne passent pas tandis que la voix sature vite. Un chanteur en devenir qui assume pleinement sa technique moins aboutie et affiche clairement de belles idées musicales.
Ayrton Desimpelaere
Bruxelles, Flagey, le 14 mai 2014

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