Le Lille piano(s) festival : Un sommet !

par

Plus de 60 heures de musique, près de 15.000 auditeurs et une dizaine de lieux différents ont permis au Lille Piano(s) Festival de fêter dignement son dixième anniversaire. De très belles rencontres : Cyprien Katsaris, Paul Polivnick, Florent Boffard, Nicolas Stavy, Wilhem Latchoumia, Abdel Rahman El Bacha avec l'émergence d'un répertoire méconnu. Le jeune public n'était pas en reste avec différents spectacles, notamment Brundibar ou Pierre et le Loup version jazz.

Après le cours donné par Jean-Marc Luisada, trois jeunes étudiants du Conservatoire de Lille ont pu bénéficier de l'auditorium du Nouveau-Siècle pour présenter leur travail. Avec une organisation remarquable, chaque auditeur a pu trouver chaussure à son pied dans une atmosphère décontractée. Mais voici quelques très beaux moments commentés.

Concert d'ouverture
Benjamin Britten (1913-1976) : Diversions Frédéric Chopin (1810-1849) : Concerto n°2 Orchestre National de Lille, Paul Polivnick et Jean-Claude Casadesus, direction – Nicolas Stavy et David Kadouch, piano
Concert d'ouverture envoûtant avec les Diversions de Britten et le Concerto n°2 de Chopin. Deux chefs, deux pianistes et un orchestre. C'est le Thème et Variations de Britten qui débute la soirée avec brillance. Paul Polivnick, un habitué de l'orchestre, dirige l’œuvre d'une main de fer tandis qu'il modèle assez aisément chaque contour mélodique ou structure rythmique redoutable. La main gauche de Nicolas Stavy (œuvre pour main gauche uniquement) est redoutable et d'une technique irréprochable où le timbre clair et le son ample sont appréciés. L'orchestre, qui a déjà joué plus tôt pour « Arpège », est dans une forme olympique. Phrasés orientés avec une maîtrise constante des registres, qualités d'archets excellentes et dialogue naturel entre le soliste et l'orchestre. Chaque variation possède un style et une atmosphère qui lui sont propres (Marche, Romance, Tarentelle, Nocturne...). L'orchestre cerne la personnalité de chacune et la sublime. Le titre Diversion est bien choisi ici, nous emmenant dans des chemins auxquels nous n'aurions pas pensé. Les quelques soli (violon, hautbois, basson) sont expressifs, sans aucune exagération. Voilà une œuvre trop peu jouée et qui mériterait une attention plus particulière. Le Concerto n°2 de Chopin termine la soirée en beauté. Si l'orchestre y est souvent effacé, cela n'enlève rien à la difficulté de l'accompagnement. Seuls les chefs expérimentés et à l'écoute du soliste peuvent la diriger. Jean-Claude Casadesus propose une introduction particulièrement expressive en se permettant quelques rubatos judicieusement choisis. Le caractère populaire cher à Chopin trouve ici sa place sans la vulgarité trop fréquente. Le piano de David Kadouch se fond idéalement dans la masse et propose une conduite de la ligne mélodique exceptionnelle. Tant le soliste que le chef semblent à l'aise dans l’œuvre bien que l'on ait pu percevoir à certains endroits une légère nervosité, s'accordant cependant avec le caractère presque improvisé de l’œuvre. David Kadouch prend le temps d'écouter la résonance du discours et articule avec justesse les mélismes dentelés. Le second mouvement, davantage intime, comporte de très beaux phrasés, contrôlés et timbrés à souhait. A l'image d'une berceuse, les artistes offrent un son rarement entendu auparavant, comme si l’œuvre se créait pour nous. Le troisième mouvement, plus populaire, est brillant, précis et exaltant. La précision et la finesse des deux premiers se retrouvent dans cette atmosphère dansante où l'écoute attentive du chef et le jeu délicat du soliste permettent une lecture au-dessus de nos attentes.

Bach et Schoenberg, récital commenté
Jean-Sébastien Bach (1685-1750) : Suite française n°5, Invention à trois voix n°9, Sonate en trio n°4 (transcription : F. Boffard), Invention à trois voix n°14 Arnold Schoenberg (1874-1951) : Pièces pour piano opus 23, Suite opus 25 Florent Boffard, piano
C'est dans la belle salle du Conservatoire de Lille que se donnait l'une des premières représentations de ce samedi. Florent Boffard (soliste à l'Ensemble Intercontemporain, connaisseur du répertoire du 20e siècle) se lance aisément dans la comparaison entre Schoenberg et Bach. Si le premier est aujourd'hui encore mal perçu, tel un artiste austère dont le répertoire choque et perturbe, son répertoire est pourtant passionnant et d'une expressivité hors du commun. Dans sa « conférence », Boffard rappelle que le langage du compositeur viennois reste pour le mélomane comme pour l'habitué, étranger et hors de nos habitudes tonales alors qu'un Debussy, qui s'en est pourtant émancipé, heurte moins l'oreille par un langage plus aérien et moins corrosif. Schoenberg n'est pourtant pas un compositeur dénué d'expression si l'on regarde son attachement à la peinture et à Kandinsky, mais plutôt un artiste dont l'approche de la musique, telle une évolution depuis le post-romantisme, a largement contribué à l'émergence de jeunes compositeurs. A travers des commentaires construits et concis, Boffard nous présente toutes les facettes du compositeur à travers son histoire, son répertoire, son style et sa personnalité. L'artiste captive l'auditeur avec ses explications sur les motifs et cellules génératrices qui font des œuvres de Bach et de Schoenberg des sommets de la littérature musicale. A partir d'une cellule de trois notes, comment un compositeur parvient-il à créer un chef-d’œuvre d'une difficulté redoutable ? Le travail sur la polyphonie entrepris par Schoenberg est clairement un hommage à Bach et à ses Inventions, fugues et autres œuvres. Florent Boffard n'oublie pas la période dodécaphonique du compositeur viennois notamment la Suite opus 25, autre hommage à Bach. Boffard manie le clavier avec délicatesse et fluidité. Si on ne le sent pas encore acclimaté à la salle à 10h, il devient de plus en plus captivant et investi au fur et à mesure du concert. Belle maîtrise des registres pour chaque compositeur, ornementation brillante pour Bach et précision extrême pour Schoenberg. Un beau moment pour commencer la journée.

Sonates de guerre par Igor Tchetuev
Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Sonate n°12 « Marche funèbre »
Frédéric Chopin (1810-1849) : Barcarolle en fa dièse majeur
Serge Prokofiev (1891-1953) : Sonate n°6
Igor Tchetuev, piano
Au Théâtre du Nord, Igor Tchetuev a subjugué le public avec Beethoven et Prokofiev. Sa lecture un peu rapide de la Barcarolle de Chopin ne lui a pas laissé le temps de colorer le discours et d’approfondir certaines harmonies, manquant ainsi de liberté. En revanche, le son dans Beethoven est remarquable : ample, rond, généreux. Aucune dureté, il conduit chaque phrase avec intelligence et l'orientation qu'il donne au discours est intelligible et riche. Le scherzo est brillant et dansant alors que la Marche funèbre est plus introvertie et solennelle. Un dernier mouvement dynamique pour conclure la prestation. Il se libère de toute contrainte dans la Sonate de Prokofiev en pianiste habitué de l’œuvre, qui en maîtrise tant la technique que le son. Le côté diabolique, parfois ironique de cette sonate ne semble pas être un mystère pour lui tandis que les tempi choisis sont particulièrement rapides et contrôlés. Il offre un très beau mouvement lent avant le finale sarcastique. Tchetuev joue cette sonate comme s'il l'avait écrite lui même. Quel jeu redoutable et quelle puissance dans la construction des phrases et de la forme. Deux bis dont une des Etude-Tableaux de Rachmaninov sont offerts au public. Voilà un pianiste solide et imperturbable face aux cris de joie d'un jeune bambin...

Brundibar
Opéra pour enfants en deux actes de Hans Krasa, livret de Adolf Hoffmeister (en français) Orchestre National de Lille, David Walter, direction – Mounya Boudiaf, mise en scène – Olivier Nikolcic, conception vidéo
Alors que l’œuvre de Hans Krasa sera prochainement présentée à plusieurs reprises en Belgique*, le Lille Piano Festival offre à de jeunes enfants l'occasion de se produire sur la belle scène du Nouveau-siècle. La direction musicale est confiée à un David Walter particulièrement énergique et dynamique. Accompagné d'une vidéo démonstrative en noir et blanc, le chœur, composé d'une centaine d'élèves de différentes écoles de la région s'est littéralement lâché. Bien sûr, la mise en place n'est pas parfaite mais il nous semble normal de féliciter ces jeunes artistes qui ont su interpréter l’œuvre avec tant de professionnalisme et de concentration. Une pensée chaleureuse pour Astrid Staes (Aninka), Hacob Ghasabian (Pépicek) et Shirley Descamps (Le Moineau) pour l'incroyable facilité avec laquelle ils semblent capter les différents caractères. La mise en scène de Mounya Boudiaf est simple mais efficace, grâce notamment à des jeux de couleurs et éclairages captivants. Un beau moment partagé en famille dont l'aspect sinistre de la guerre s'efface le temps d'un opéra.

Triomphe pour Abdel Rahman el Bacha !
Viktor Ullman (1898-1944): Concerto pour piano Maurice Ravel : Gaspard de la nuit (1) – Concerto pour la main gauche (2) Nathalia Romanenko et Abdel Rahman El Bacha (1-2), piano – Joachim Jousse et Jean-Claude Casadesus (2), direction, Orchestre National de Lille
Le deuxième concert symphonique a opposé le très peu connu Concerto pour piano rythmé de Viktor Ullmann (mort gazé lors de la seconde guerre mondiale) et le Concerto pour la main gauche de Ravel. L’œuvre d'Ullmann est davantage une « symphonie avec piano » qu'un concerto. On apprécie les couleurs, la masse orchestrale imposante sans lourdeur et l'orchestration richement élaborée. Nathalia Romanenko offre un piano énergique et dans l'esprit de l’œuvre. Joachim Jousse dirige l'orchestre avec facilité et mène chaque registre à son maximum. Quatre mouvements courts avec une idée et une atmosphère différentes pour chacun. Abdel Rahman El Bacha poursuit avec une lecture époustouflante de Gaspard de la nuit. Quelle finesse et quelle fluidité dans le discours. Aucun bruit ne se dessine durant la prestation. A travers un flot de notes continu, la mélodie aérienne est timbrée avec douceur. El Bacha, modeste et discret, connaît l’œuvre sur le bout des doigts : facilité technique et discours convaincant. Comme pour Tchetuev, El Bacha joue d'une manière si naturelle qu'on pourrait croire que l’œuvre lui appartient. On a rarement entendu un Gibet si intime et pourtant nerveux. Et quelle ambiance dans Scarbo ! Toutes les dynamiques sont expressives et introduites dans une orientation idéale. Mêmes remarques pour le Concerto pour la main gauche de Ravel. Jean-Claude Casadesus et son orchestre déploient leur meilleure palette de couleurs. Le dialogue permanent entre le chef et le pianiste est impressionnant. Ce n'est pas seulement un soliste et un chef, mais bien un tout au service de la musique. Les artistes terminent par une Joyeux anniversaire pour les 100 ans de Gisèle Casadesus, prolongeant ce moment magique dans une période où la culture est le dernier soucis des politiques...

Pierre et le loup version jazz !
Version originale de Pierre et le loup de Prokofiev
The Amazing Keystone Big Band Denis Podalydès et Leslie Menu, récitants
Le Lille Piano Festival fait place une nouvelle fois au jazz en proposant une version très rythmée du célèbre conte Pierre et le loup de Prokofiev. Après une introduction enflammée, chaque personnage de la suite est présenté par les instruments de l'orchestre. The amazing Keystone Big band accompagné de Denis Podalydès et Leslie Menu propose sa propre interprétation étonnante et captivante de l’œuvre. Ambiance chaleureuse et décontractée grâce à une légère transformation de la scène du Nouveau-siècle (ajout de rideaux), jeu d'éclairages en corrélation avec la musique et un enchaînement parfait du récit et de la musique. Dirigée par quatre membres du Big band, cette interprétation reste respectueuse du chef-d’œuvre de Prokofiev en y apportant une touche de fantaisie plaisante. On apprécie les combinaisons instrumentales et la justesse de chaque intervenant. Concert « jeune public », les adultes se laissent également emportés dans l'histoire grâce à l'investissement juste des récitants et musiciens. En guise de bis, l'orchestre au complet s'est offert une traversée du public en musique.

Le retour triomphal de François-Frédéric Guy
Claude Debussy (1862-1918) : Préludes, Livre 2 Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Sonate opus 111 François-Frédéric Guy, piano
François-Frédéric Guy nous avait déjà fait le plaisir d'interpréter les cinq concerti de Beethoven et la Sonate Appassionata lors de la neuvième édition du festival, concerts qui avaient rencontré un franc-succès. Pour cette édition, il choisit plutôt la voie du récital en proposant un programme autour des dernières œuvres de Debussy et Beethoven. Il commence par une lecture passionnante des Préludes du deuxième livre de Debussy. Douze préludes avec, pour chacun, un style, une couleur ou encore une ambiance. On apprécie le côté bouillonnant de La Puerta del Vino, la fluidité d'Ondine, la délicatesse du discours chargé de Canope ou encore l'aspect plus jazz de Général Lavine-eccentric. Aucune fausse note, un discours rudement bien mené où chaque sonorité est pensée et conduite avec finesse. Il conclut par une lecture brillante et explosive des Feux d'artifice. Après ce premier sommet, il enchaîne avec la redoutable dernière sonate de Beethoven. En deux mouvements où l'on perçoit d'emblée un langage de plus en plus novateur, notamment par l'éloignement de la main droite du centre gravitationnel. Le « Maestoso » est robuste, clair et dans un tempo idéal permettant la coloration de chaque accord ou même des notes graves de la main gauche. L' « Allegro con brio ed appassionato » est dans le style, un rien nerveux. Guy s'aventure dans des tempi rapides qu'il assume et maintient sans difficulté. Il faut dire que les basses du piano Yamaha dont il dispose sont particulièrement sonores. Magnifique second mouvement, profond, riche, dans un tempo lent exceptionnel. Chaque accord est réfléchi et orienté selon les tensions harmoniques. Vrai travail d'écoute sur la résonance, la polyphonie n'est plus un mystère pour cet artiste. Du grand Debussy comme du grand Beethoven.

Programme surprenant pour Wilhem Latchoumia
Claude Debussy (1862-1918) : La Terrasse des audiences au clair de lune, Général Lavine-eccentric, Six Épigraphes antiques Frédéric Monpou (1893-1987) : Charmes Erik Satie (1866-1925) : Cinéma Manuel De Falla (1876-1946) : Fantasia Baetica Wilhem Latchoumia, piano
Dans la salle Québec du Nouveau-siècle, Wilhem Latchoumia nous propose un récital généreux dans une ambiance décontractée. Première surprise avec le programme : Debussy, Monpou, Satie et De Falla. Il aura fallu deux préludes du deuxième cahier de Debussy pour que l'artiste nous présente les tenants et aboutissants de son programme : Les six Charmes de Monpou, sorte d'invocations, sont clairement la réponse du compositeur aux Six Épigraphes antiques de Debussy tandis que Cinéma de Satie agit ici comme entracte musical. Aucune prétention dans le jeu du pianiste, plutôt de la sincérité et de la simplicité, tel un concert de salon. Général Lavine-eccentric est un peu plus fragile mais dans le style. Les Charmes de Monpou arrivent comme une caresse à l'oreille. On apprécie les couleurs du pianiste et l'orientation de son discours. La pièce de Satie est répétitive mais attractive. Un thème d'une récurrence légèrement pesante laisse place à quelques interludes contrastés. En deuxième partie, les Épigraphes antiques montrent à nouveau cette invocation musicale d'une spiritualité touchante avant une interprétation énergique de Fantasia baetica. Ici, belle maîtrise des registres, aisance dans un tempo rapide et flexibilité remarquable malgré un si bémol particulièrement faux. Latchoumia termine par une lecture poétique de La Poupée de porcelaine de Villa-Lobos, à l'image de sa personnalité. Voilà un pianiste généreux qui s'intéresse au répertoire méconnu pour notre plus grand plaisir.

Le récital surprise de Cyprien Katsaris
Programme surprise Cyprien Katsaris, piano
Si l'on pouvait s'inquiéter de la teneur du programme, Cyprien Katsaris nous a ébloui par la construction aboutie d'un programme passionnant. Il commence par affirmer que la tradition de l'improvisation en concert selon les humeurs du moment disparaît au profit de concerts techniques sans grand intérêt. Démarre alors une longue improvisation sur différents thèmes de Wagner, Rachmaninov, Chopin, Liszt... alliant à la fois technicité et musicalité. Sous forme d'arabesques, de gammes, d'accords et de mélodies riches en terminant par quelques accords modernes, sa pensée se transmet aisément. En commençant ainsi, Katsaris installe une atmosphère de salon très intime où le public participe à l'évolution du concert. Il poursuit avec Schubert et le Klavierstücke en mi bémol majeur, l'une des plus grandes partitions du répertoire pour lui. Son interprétation y est fluide, expressive et sans complications inutiles. Il transmet au public un rare sentiment de plénitude. En parlant de l'antiquité grecque et de la plus ancienne mélodie connue à ce jour, c'est avec le premier Prélude en do majeur de Bach qu'il enchaîne. Belle correspondance entre les deux œuvres, notamment par le travail de Pythagore et la théorie des sphères. Il poursuit avec la Berceuse de Chopin (son répertoire de prédilection) : même finesse et le même degré de sincérité. S'ensuit une partie sur la première guerre mondiale avec quatre pièces courtes : Max Reger avec la douzième Rêverie au coin du feu, construite sur le même procédé que la Berceuse (basse obstinée), Frank Bridge avec Lament, St-Saëns avec La Française et Vierne avec Seul... Quatre découvertes et quatre sommets de la littérature musicale que Katsaris nous présente avec la plus grande simplicité. Tout naturellement, il termine par un arrangement remarquable pour piano seul du dernier mouvement de l'Empereur de Beethoven. Un moment privilégié de la part d'un artiste exceptionnel dont le programme est ici d'une construction époustouflante.

Concert de clôture
Eric Wolfgang Korngold (1897-1957) : Concerto pour piano Sergeï Rachmaninov (1873-1943) : Concerto pour piano n°2 Nicolas Stavy, piano et Paul Polvnick, direction Andrei Korobeinikov, piano et Jean-Claude Casadesus, direction
Le concert de clôture a permis de faire découvrir à nouveau une œuvre rarement jouée, le Concerto pour piano de Korngold. Troisième concerto pour la main gauche du festival, on y découvre le piano robuste et expressif de Nicolas Stavy. Sous la direction généreuse de Paul Polivnick, l'ONL offre des sonorités chères à Korngold, d'une justesse remarquable. Très beau dialogue entre le soliste et le chef tandis que le piano n'est voilé à aucun moment. La forme de l'oeuvre est compréhensible et, vu sa richesse et l'importance que l'on donne au Concerto pour violon, il est surprenant de ne pas l'entendre plus souvent. Après ce sommet pianistique, Jean-Claude Casadesus et Andrei Korobeinikov font honneur au Concerto n°2 de Rachmaninov malgré un piano légèrement désaccordé (notamment un ré), ce que le pianiste camoufle en appuyant parfois l'octave. Après une introduction lente, presque énigmatique, les cordes entrent avec une chaleur peu entendue à ce jour. Comme l'indiqua plus tard Plamena Mangova, on a le sentiment parfois d'entendre le Berliner Philharmoniker. Comme toujours, Casadesus accompagne le soliste avec talent et professionnalisme même si le piano est parfois couvert par des tutti magistraux. Tempo rapide qui pousse l'ONL dans ses derniers retranchements mais maîtrisé par une baguette précise. Comme dans Chopin et Ravel, certaines harmonies, couleurs ou dynamiques sont appuyées et affirmées proposant ainsi une version tout à fait différente de l’œuvre. Dans un tempo moins agité, le second mouvement est un long souffle poétique. Beau timbre tandis que l'orientation donnée au mouvement ne nous échappe à aucun moment. Enfin, le troisième mouvement est dynamique, enjoué et construit. Ce n'est pas du Rachmaninov lourd et d'un lyrisme exacerbé mais une seule et longue phrase sans complications. En bis, le Prélude en sol mineur de Rachmaninov nous est proposé avec une énergie folle avant une phrase plus lyrique. La dixième édition du festival est terminée. Belles rencontres et belles découvertes. Un très Grand festival où la place est faite à de jeunes artistes et à un répertoire négligé sans oublier quelques acteurs incontournables.
Ayrton Desimpelaere
Lille, du 13 au 15 juin 2014

* Brundibar : A partir du 29 juin (Festival Musiq'3 à Flagey),16 enfants sur scène pour raconter comment on fait face au terrible Brundibar. Puis en tournée à travers le Festival de Wallonie ! Mise en scène : Vincent Goffin, costumes Héloïse Mathieu. Dans l'orchestre Gilles Breda, Mathieu RoskamRoeland HenkensBram Mergaert , Toon Callier , Quentin DebroeyerSofia ConstantinidisElena LavrenovaStefanie Van Backlé, Laure Bardet, Natacha SaveSimon Drachman,Aubin DenimalCyril Simon, François Couvreur, Andrés Pueyo Lopez. Production : Festival de Wallonie ( Claire Ringlet)

Un commentaire

  1. Ping : Le Lille piano(s) festival : Un sommet&nbs...