Les Messes de Haydn réunies en un coffret !

par

Joseph HAYDN (1732 - 1809)
The Complete Masses - Stabat Mater
The Academy of Ancient Music, The Choir of Christ Church Cathedral Oxford, Christopher Hogwood (orgue), dir.: Simon Preston
Academy of St Martin in the Fields, The Choir of St John's College, Cambridge, Stephen Cleobury (orgue), dir.: George Guest
English Baroque Soloists, Monteverdi Choir, dir.: John Eliot Gardiner
The Argo Chamber Orchestra, The London Chamber Choir, John Birch (continuo), dir.: Laszlo Heltay
Judith Nelson, Emma Kirkby, April Cantelo, Joanne Lunn, Donna Brown, Erna Spoorenberg, Jennifer Smith, Arleen Auger (sopranos), Sally Bruce-Payne (mezzo-soprano), Sara Mingardo, Shirley Minty, Helen Watts, Alfreda Hodgson (contraltos), Robert Tear, Martyn Hill, Topi Lehtipuu, Rogers Covey-Crump, Peter Butterfield, Alexander Young, Anthony Rolfe Johnson (ténors), Benjamin Luxon (baryton), David Thomas, Forbes Robinson, Brindley Sherratt, Gerald Finley, Joseph Rouleau, Gwynne Howell (basses)
2015-DDD-8 CD-Textes de présentation en anglais, allemand, français-Decca 478 7828 Collectors Edition

Entre 1967 et 2002, Decca a enregistré les treize messes achevées de Haydn (la 4e étant restée fragmentaire) avec diverses formations et chefs et une fameuse brochette de solistes que l'on retrouve avec bonheur. Il suffira de citer Auger, Kirkby, Mingardo, Nelson, Watts, Tear, Rolfe Johnson, Finley,... aucun qui démérite.
Les 14 Messes de Haydn se déclinent en deux groupes, deux périodes de sa vie : les huit premières furent composées entre 1749 et 1782 et, quatorze années plus tard, alors qu'il est au service du Prince Nicolaus II Estherazy, il se remet à la tâche pour fêter la Princesse Marie Hermenegild, son épouse. Les six dernières Messes furent donc composées entre 1796 et 1802, année de la monumentale Harmoniemesse qui doit son nom à l'importance des vents, une oeuvre qu'il 'travaille avec lassitude' écrit-il à son employeur, sa dernière grande oeuvre qui, par sa rudesse harmonique annonce un nouveau style qui ne se déployera pas.
Il est passionnant, à l'écoute de cette intégrale, d'entendre combien chaque messe détient son propre caractère, témoin supplémentaire s'il en faut du génie du compositeur. Ainsi, si la première relève encore d'un travail d'apprentissage, la deuxième se base sur le trio d'église classique (2 violons et basse continue) et Haydn l'appréciait tellement qu'il la retravailla en 1805 pour lui donner les couleurs orchestrales que l'on retrouve ici. La troisième, la "Missa Cillensis in honorem Beatissimae Virginis Mariae" appelée aussi "Messa Sanctae Caeciliae" et composée plus de quinze années plus tard, est la première de grande envergure, grandiose avec ses longs textes découpés en sections, prétexte à un éventail de styles, des airs les plus lyriques aux fugues chorales les plus austères. Suit alors la "Missa in honorem Beatissimae Virginis Mariae" dite aussi "Grosse orgelmesse" pour ses soli ornementaux à l'orgue auxquels le cor anglais vient offrir sa touche de mélancolie. Puis la "Missa Sancti Nicolai" de 1772, assez anecdotique puisqu'elle aurait été composée pour témoigner de son respect au Prince Nicolaus après qu'eut lieu la création de la fameuse "Symphonie des adieux", clin d'oeil syndical de l'époque mais qui permit tout de même aux musiciens de l'orchestre cantonné à Estheraza de retrouver plus tôt leurs familles. Une écriture très pastorale ici, en trois temps très rythmés, avec des cors aigus et de mélodieuses tierces. Une petite messe pour orgue ensuite, la "Missa brevis Sancti Joannis de Deo" dédiée à l'Ordre hospitalier de St Jean de Dieu avec une instrumentation pour trio d'église adapté à la petite chapelle de l'Ordre. Elle-même suivie de la "Missa Cellencis" dédiée au sanctuaire de Mariazell en Styrie, une oeuvre éclatante, franchement symphonique, sommet de cette première période d'une trentaine d'années forte d'oeuvres contrastées dans leur conception, leur taille et leur facture sonore.
Quatorze années plus tard, en 1796, Haydn compose la "Missa Sancti Bernardi von Offida", un moine capucin canonisé un an plus tôt pour ses bonnes oeuvres parmi les pauvres. C'est cette messe que l'on appelle aussi "Heiligenmesse" car elle inclut un ancien choral allemand, "Heilig, Heilig" dans le Sanctus. Viennent ensuite deux monuments plus dramatiques dictés par le contexte politique : la "Missa in Tempore Belli" témoin des troubles qui balaient l'Europe après la Révolution française par ses fanfares des vents et ses timbales militaires dans l'Agnus Dei -on l'appelle aussi "Paukenmesse"; même trouble sonore dans la "Nelsonmesse" ou "Missa in angustiis", "Messe pour les temps difficiles", dramatique d'un bout à l'autre dans son ré mineur dépouillé, ses timbales menaçantes, son orchestration pour cordes, orgue et trompettes tandis que Bonaparte menait son expédition en Egypte. L'année suivante, Haydn compose la "Theresienmesse" une pièce mélancolique et lyrique par son orchestration pour clarinettes et bassons qui contrastent avec l'éclat des trompette tandis que le quatuor de solistes est quasi omniprésent, en alternance avec le choeur et l'orchestre. Paradoxalement, l'année 1800 ne connaîtra pas de messe mais bien un brillant Te Deum, à la demande de l'impératrice. Si l'avant-dernière pièce porte le nom de "Schöpfungmesse", elle le doit à la reprise d'une citation que l'Impératrice Marie-Thérèse avait faite enlever de l'Oratorio homonyme, car on ne mêle pas contredanse et oeuvre religieuse...! et cette petite contredanse animant Adam et Eve n'y avait pas sa place. Haydn la reprend ici, confortée par une orchestration somptueuse d'où émanent voix et choeurs d'une parfaite fluidité. Et c'est avec l'"Harmoniemesse" de 1802 que Joseph Haydn clôt son parcours tant religieux que profane.
Bien sûr, ce coffret de huit CD ne s'écoute pas en un jour; tout l'intérêt est de s'imprégner d'un monument comme le sont les 32 sonates ou les 9 symphonies de Beethoven, ou encore les 8 messes de Schubert. Un monde clôt ouvert sur des plages d'éternité.
Bernadette Beyne

Son 9 - Livret 8 - Répertoire 10 - Interprétation 9

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