Matthias Weckmann, à la droite de Bach

par

Matthias Weckmann (1616-1674)
Intégrale de l’œuvre pour orgue
Bernard Foccroulle, orgue
2 CD – 2014 – DDD – 134'24'' – Textes de présentation en anglais, français, allemand – Ricercar RIC 348

On connaît Buxtehude comme prédécesseur de Bach, mais qu'en est-il de la génération qui précède Buxtehude ? L'organiste Bernard Foccroulle, directeur de la Monnaie pendant de nombreuses années, apporte une réponse avec cette intégrale consacrée à Matthias Weckmann, célèbre musicien qui fut totalement oublié à partir du 18ème siècle. Il serait facile de voir en Weckmann un obscur précurseur à l'intérêt purement musicologique, mais, passé le stade de la curiosité, on prend un réel plaisir à écouter sa musique. A l'instar de Bach, il a laissé une œuvre si aboutie qu'elle offre une infinité de niveaux de lecture : harmonie, contrepoint, rythme, sens de la registration, symboliques religieuses...
Né en Thuringe en 1616, Weckmann reçut l’enseignement des plus grands musiciens allemands de son temps : Schütz, J. Praetorius et Scheidemann. Ceux-ci, bien que luthériens, étaient familiers du style italien de la Contre-Réforme, aussi Weckmann développa un langage personnel nourri de nombreuses influences. On y dénote, tradition oblige, une prédilection pour l'austérité du « contrepoint savant », agrémenté parfois de formules virtuoses et d'harmonies surprenantes ; certaines pièces (Nun freut euch, lieben Christen gmein) usent même d'un chromatisme débridé digne des clavecinistes italiens. Mais ce qui semble caractériser Weckmann, c'est son utilisation d'une grande variété de timbres à travers des registrations très typées, ce pourquoi Bernard Foccroulle a choisi de répartir les œuvres sur trois orgues différents. L'instrument de l'église Sainte-Catherine de Hambourg, avec ses sonorités profondes et équilibrées, donne leur majesté aux pièces qui l'exigent ; celui de l'église de Stade, en comparaison, est plus acide mais plus incisif ; enfin le petit orgue de Hollern, riche en jeux d'anches et de 2', est des trois le plus cristallin. Le jeu de Bernard Foccroule est parfaitement limpide, grâce à une grande maîtrise du détaché. Sa rythmique est rigoureuse, mais il n'hésite pas à faire varier légèrement la pulsation de temps à autre, pour obtenir un effet expressif (O lux beata trinitas) ou simplement souligner une harmonie. Cependant la prise de son, dans une volonté de clarifier à l'extrême l'enchevêtrement des voix, supprime toute réverbération, ce qui peut occasionner une certaine froideur... On se console avec l'excellent livret, clair et documenté, qui nous apprend beaucoup sur ce grand compositeur qu'est Weckmann.
Quentin Mourier

Son 8 - Livret 10 - Répertoire 10 - Interprétation 10

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