Concertgebouworkest : inoubliable !

par

Anton Webern (1883-1945) Six pièces pour orchestre, op.6 – Richard Strauss (1864-1949), Quatre derniers lieder, Robert Schumann (1810-1856), Symphonie n°2 en do majeur, op.61
Koninklijk Concertgebouworkest, Daniel Harding, direction – Emily Magee, soprano
Concert remarquable au Palais des Beaux-Arts avec le Koninklijk Concertgebouworkest, sous la baguette de Daniel Harding avec Emily Magee (soprano). L' Orchestre -en résidence, débute une lecture passionnante des Six pièces pour orchestre, op. 6 de Webern au caractère séduisant et intime. Excellente interprétation de chacun des pupitres, disséminés un peu partout dans la partition. Le timbre que Webern tente de présenter de plusieurs manières est manié avec précision et fluidité. Les musiciens sont à l’aise dans la battue du chef qui présente des plans sonores conduits et souples. Le silence, principal matériau de la partition requiert du public une concentration énorme permettant alors de réfléchir, comprendre ce qu’il écoute. Ce véritable moment d’introspection reste un moment inoubliable malgré une quinte de toux inopportune. Cette maîtrise de l’instrument se retrouve naturellement dans les Quatre derniers lieder de Strauss. La façon dont les vents coupent le son et le jeu sensible des cordes convient à merveille à la beauté de la voix d’Emily Magee. Renée Fleming avec Christoph Eschenbach ou encore Claudio Abbado avait déjà fait de cette œuvre un sommet de la littérature classique. Mais l’interprétation de Magee et Harding apporte un vent de fraîcheur. L’émotion est telle que le public ne peut en sortir indemne. Beaucoup de sensibilité, de pureté, et une sensation de légèreté dans cette œuvre si proche de la vie, de la mort. A 83 ans, Richard Strauss l'écrit après la lecture d’un poème de Eichendorff qui retrace d’une certaine manière la vie du compositeur. Ce chant du cygne nous transcende par sa beauté et sa pureté. Dommage que le public ne dispose pas de la traduction des textes : si la musique parvient à délivrer seule le message, le récit littéraire en est le complément naturel.En bis, Magee offre Morgen, le lied n°4 op. 27 de Strauss, bouleversant par l’incroyable pureté du jeu du konzertmeister, Liviu Prunaru, et la perfection de la ligne vocale de Magee, dans le tapis sonore des cordes. La harpe déploie avec légèreté des accords arpégés offrant aux solistes une certaine liberté.
La soirée se termine par la Seconde Symphonie de Schumann rarement donnée. Harding propose dans chaque mouvement un agencement des timbres intelligent et une structure claire. Pas d’étalage de virtuosité mais l’aboutissement d’un travail d’expressivité. La palette sonore des cordes est impressionnante et la rythmicité du second mouvement est entraînante. Le troisième mouvement est aussi saisissant que le dernier de la Pathétique de Tchaïkovski où on se laisse emmener par la douceur des archets et le hautbois exquis. Le dernier mouvement, celui où Schumann est plus à l’aise, est énergique comme il faut et conclut la soirée en triomphe. Notons encore la position de certains pupitres : les basses à gauche et les violons II à droite contribuent à l'homogénéité du son.
Entre les versions traditionnelles de Karajan, Barenboim ou Eschenbach et celles plus modernes de Paavo Jarvi ou Abbado, Harding trouve facilement sa place.
Ayrton Desimpelaere
Bruxelles, Bozar, le 19 octobre 2013

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