A Lausanne, un étourdissant Orphée aux enfers

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Pour les fêtes de fin d’année, l’Opéra de Lausanne propose Orphée aux enfers dans la seconde version que Jacques Offenbach présenta au Théâtre de la Gaieté le 7 février 1874 en la désignant comme opéra-féerie en 4 actes et 12 tableaux et incluant une ouverture.

En collaboration avec le Grand Théâtre de Tours et le Capitole de Toulouse, Eric Vigié en commande une nouvelle production à Olivier Py qui s’en donne à coeur joie en demandant à Pierre-André Weitz un décor simple consistant en un double mur de loges à trois étages entourant une scène et d’extravagants costumes se mêlant aux crinolines et uniformes militaires du Second Empire. Sous d’habiles jeux de lumières conçus par Bertrand Killy, l’action endiablée vous tient continuellement en haleine avec cet Orphée en jaquette noire et perruque blonde obligeant sa mégère de femme à écouter son nouveau concerto interminable qu’elle tente d’interrompre en dérobant le lutrin et en s’emparant du violon qu’elle finit par casser avant de rejoindre son tendre Aristée en salopette de plombier au milieu des blés où la morsure d’un serpent lui ravira la vie. Un squelette en moto déroule une copie du Jardin des Délices de Hieronymus Bosch devant laquelle Aristée se transformera en Pluton, queue de pie et haut de forme, entraînant la mortelle aux enfers, au grand dam de l’Opinion publique, virago en imperméable, réprouvant cet outrage à la morale établie. Orphée est contraint de quitter sa classe de violonistes en herbe et son chœur d’enfants afin de retrouver son épouse dans l’au-delà. Mais dans les sphères éthérées de l’Olympe, l’on s’ennuie fermement à savourer l’ambroisie sous le regard courroucé de ce Jupiter/Napoléon III qui s’emploie à mater la révolte de ses ingrats sujets arborant cocarde et drapeau tricolore, tout en tolérant leur raillerie sur ses métamorphoses passées que voudrait balayer rageusement sa Junon/Eugénie d’épouse. De la plus haute cocasserie, le boudoir de Pluton où Jupiter, transformé en bourdon par les bons soins d’un Cupidon déjanté,  se trouve suspendu dans les airs pour happer cette Eurydice qu’il veut dérober à son frère. Les bouches de l’Enfer laissent couler à flots le vin des bacchanales incitant  les damnés à danser le menuet ou à se livrer au cancan le plus… infernal dans une chorégraphie émoustillante d’Ivo Bauchiero, tandis que dans la fosse, le Sinfonietta de Lausanne pétille sous la baguette d’Arie van Beek qui se soucie d’équilibrer au mieux son plateau en évitant les décalages.

Sur scène, Samy Camps y personnifie un Orphée au timbre clair et à l’aigu claironnant qui défend sa réputation de virtuose adulé devant cette Eurydice volage que campe Marie Perbost avec ce coloris fruité qui s’affine pour livrer les traits d’ornementation échevelés du soprano léger. Par de sournoises inflexions, Julien Dran dessine un Aristée/Pluton aussi retors que machiavélique face au Jupiter de Nicolas Cavallier maniant avec adresse arrogance de convenance et hypocrisie. Sophie Pondjiclis investit l’Opinion publique d’une péremptoire assurance que lui envie la Junon de Carole Meyer. L’on s’apitoie avec tendresse sur le John Styx si pataud de Frédéric Longbois ou le Cupidon de Yuki Tsurusaki qui peine à maîtriser ses passages de registre. La Diane de Clémentine Bourgoin, la Vénus de Béatrice Nani, la Minerve d’Emma Delannoy rivalisent de fierté face au Mercure enjoué de Hoël Troadec et au Mars bellâtre d’Aslam Safla. Préparé par Patrick Marie Aubert, le Chœur de l’Opéra de Lausanne est de grande qualité, ce que l’on dira aussi de l’Ensemble de violonistes et de la Maîtrise du Conservatoire de Lausanne. En résumé,  un magnifique spectacle de fête qui fait délirer de bonheur le public !

Lausanne, Opéra, le 27 décembre 2023

Paul-André Demierre

Crédits photographqiues : Jean Guy Python - Opéra de Lausanne

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