Baroque germanique : enjôleurs dialogues d’archets en scordatura

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Vis à vis. Heinrich Ignaz Franz Biber (1644-1704) : Partia VI [Harmonia Artificioso-Ariosa Diversimodé accordata]. Sonate IV « Die Darstellung im Tempel » ; Passacaille Schutzengel [Mysteriensonaten]. Johann Pachelbel (1653-1706) : Was Gott tut, das ist wohlgetan. Partia II en ut mineur [Musicalische Ergötzung]. Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Sonate en trio en sol majeur BWV 1038 ; Prélude & Fugue en sol majeur BWV 550. Georg Kallweit, violon, alto. Tabea Höfer, violon. Walter Rumer, violone. Leo Van Doeselaar, orgue. Novembre-décembre 2021. Livret en allemand, anglais. TT 67’32. Raumklang RK 4104

Vis-à-vis ? La notice explicite le titre : par la localisation des musiciens et quelques artifices d’ingénierie sonore, « les relations entre les voix peuvent se ressentir de façon plus convaincante ». Grâce à ces expédients, l’enjeu est de rendre hommage à la concertation polyphonique telle qu’elle se pratiquait sur les tribunes allemandes du XVIIe siècle. Effets d’écho, d’estompe, de distanciation… Le résultat s’avère plutôt probant, nous baigne dans une spatialisation osmotique, et revisite l’intelligibilité voire l’intelligence du discours en duo. Quitte à revisiter les partitions. Au sommet, cette fabuleuse chaconne de la Représentation au Temple, redistribuée à deux violons. La grandiose passacaille qui conclut les Sonates du Rosaire se trouve similairement répartie entre accompagnement d’alto (basse obstinée) et mélodie au violon (voix supérieure). 

Un autre point commun entre les œuvres pour archet sélectionnées par ce programme est bien sûr l’accord en scordatura, ce qui permet d’inviter un extrait des Musicalische Ergötzung de Pachelbel, et le BWV 1038, ici dans une mouture où un violon remplace le traverso. Les instruments d’époque baroque (ou copie dans le cas de l’alto fait par Stefan Neureiter d’après un spécimen de 1778) apportent la caution d’authenticité, et grisent par leur timbre splendide, dans des œuvres qui travaillent les effets de textures et couleurs.

Le continuo est confié à Walter Rumer, contrebassiste de l’Akademie für alte Musik Berlin, et à Leo Van Doeselaar sur une copie d’un Schnitger, installée dans la lutherse Kerk de Groningen. Violone et cette console très typée, reflet de la facture septentrionale, garantissent un écrin de caractère. L’organiste néerlandais nous offre aussi, en soliste, une des plus célèbres Choralpartita du compositeur de Nuremberg, et un Prélude & Fugue du Cantor de Leipzig, certes pas le plus notoire. L’équipe d’Urban Strings garantit une réalisation très soignée, techniquement pensée, artistiquement aboutie.

Christophe Steyne

Son : 8,5-9,5 – Livret : 8,5 – Répertoire : 8-10 – Interprétation : 9,5

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