Bezuidenhout défend Mozart

par

0126_JOKERWolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Sonate en la majeur, K. 331 - 6 Variations sur "Salve tu, Domine" en fa majeur, K. 398 - Romance en la bémol majeur, K. Anh. 205 - 12 Variations en si bémol majeur, K. 500 - Sonate en do majeur, K. 309

12 Variations sur "Ah, vous dirai-je Maman" en do majeur, K. 265 - Sonate en mi bémol majeur, K. 282 - Adagio en fa majeur, K. Anh. 206a (A 65) - Sonate en si bémol majeur, K. 281 - 12 Variations sur "La belle Françoise" en mi bémol majeur, K. 353
Kristian Bezuidenhout, fortepiano
2013 - 2 CD  Notice en français, anglais et allemand - Harmonia Mundi (Disque 1- HMU 907529 - 69'07'') (Disque 2 - HMU 907530 - 72'39'')

Comme il l'est bien expliqué dans le livret de ce double disque, la découverte par Mozart des nouveaux pianofortes Stein fut pour lui une grande révélation et une motivation de plus dans sa recherche de l'expression pianistique. Mozart écrit à son père en 1777 : "Je vous parlerai tout d'abord des pianofortes de Stein. Avant de les connaître, ceux de Spath avaient toujours eu ma préférence. Mais maintenant, je préfère, et de loin, ceux de Stein, car ils étouffent bien mieux que les instruments de Ratisbonne. Quand je frappe fort une touche, que je laisse mon doigt sur la touche ou que je l'enlève, le son cesse dès qu'il est produit. De quelque manière que je frappe les touches, le son est toujours égal…" Nouveauté technique qui motivera à composer sa fameuse et originale Sonate en do majeur K. 309. Ce double album réunit plusieurs oeuvres de Mozart qui sont moins connues du grand public ; notamment la Romance en la bémol majeur d'authenticité peu certaine et l'adagio en fa majeur, ce qui donne un argument en plus pour se procurer ce petit coffret comme si les nombreuses qualités pianistiques de Kristian Bezuidenhout et la belle captation de cette copie de pianoforte ne suffisaient pas à motiver les acheteurs potentiels. Le pianiste sud-africain continue son immense projet : enregistrer l'intégrale pianistique de Mozart en laissant de côté les toutes premières oeuvres du compositeur encore enfant. Projet pharaonique mené petit à petit par Kristian Bezuidenhout qui a l'intelligence de prendre son temps et de sortir chaque disque quand il est réalisé sans attendre de tout réunir en un immense coffret d'on ne sait combien de disques qui dégoûtera les plus téméraires. Ce présent album a l'avantage de brosser un portrait assez fidèle de Mozart. En deux disques on appréhende différentes facettes du piano mozartien: la sonate, la variation et quelques pièces un peu esseulées. On peut se rendre compte ainsi que Mozart n'a pas fait que d'emmener très loin la forme sonate il a aussi magnifié la forme du thème et variation. Il n'est pas tombé comme nombre de compositeurs de l'époque dans une démonstration de virtuosité vaine et vide musicalement ; Mozart transfigure ce genre. Le jeu de Bezuidenhout est comme on l'attendait, propre, clair et finement ciselé. Le pianoforte est bien capté car à aucun moment il ne sonne trop faible comme parfois c'est le cas sur certains enregistrements d'instruments anciens. Pas ici, ce pianoforte n'a rien à envier dans les dynamiques et la puissance aux pianos de moderne. Le piano ne fait pas tout, le pianiste y est bien pour quelque chose. L'adage comme quoi il faut avoir sept ou soixante dix-sept ans pour bien jouer Mozart est donc faux quand on entend ce pianiste quadragénaire. Bezuidenhout est un fin connaisseur de la musique de Mozart mais pas seulement ; il l'aime beaucoup aussi et cela se sent quand il la joue. On a beau n'écouter qu'un disque sur une simple chaîne stéréo mais on ne peut s'empêcher de sentir une joie communicative à jouer cette musique. L'enregistrement n'a pas tué la présence importante de l'interprète. Le piano de Bezuidenhout chante merveilleusement cette musique si vocale et évite un certain maniérisme parfois présent chez Mozart. Il suffit d'écouter la sublime variation XI (Adagio) de "Ah, vous dirai-je Maman" pour se rendre compte du beau style de ce pianiste, de ses belles ornementations et de son grand sens du phrasé. Une belle intégrale qui mérite de continuer tant elle est bien réalisée, dans un bon goût mozartien.
François Mardirossian

Son 10 - Livret 9 - Répertoire 10 - Interprétation 10

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