Das Floß der Medusa de Hans Werner Henze

par

Hans Werner Henze (1926-2012) : Das Floß der Medusa. Oratorio vulgare e militare en deux parties pour soprano, baryton, narrateur, choeur mixte, choeur d’enfant et orchestre. Sarah Wegener, soprano ; Dietrich Henschel, Jean-Charles ; Sven-Eric Bechtolf, narrateur. Arnold Schoenberg Chor, Wiener Sängerknaben, Direction : Cornelius Meister. 2017. Livret en anglais et allemand. Texte chanté en allemand et italien, traduction en anglais. 74’01’’. Capriccio C5482. 

La Radeau de la méduse de Hans Werner Henze est surtout connu pour le contexte de sa création avortée, victime des contestations de l’année 1968. En effet, la première était prévue à Hambourg. Cette création devait être donnée, le  9 décembre 1968, sur la scène de la Ernst-Merck-Halle de Hambourg. Mais les protestations étudiantes et des tensions avec la police conduisirent à l’annulation de ce concert qui devait être diffusé en direct sur les ondes.  A la place, la radio NDR diffusa l’enregistrement de la répétition générale.  Il faut dire qu’alors le compositeur était très engagé au côté de la gauche, y compris dans le choix de mettre en musique l’histoire du Radeau de la méduse, immortalisé par le célèbre tableau de Géricault et symbole des masses abandonnées par leur élite, des pauvres victimes du mépris des riches. L'œuvre avait donc, dans le contexte d’alors, une portée politique forte que soutenaient de nombreux étudiants hambourgeois, eux aussi politisés et engagés, venus afficher leurs idées à la première.  

Le livret est de l’écrivain et homme de radio Ernst Schnabel et il souffla à Henze l’idée de théâtraliser la partition : diviser la scène en deux côtés, l'un pour les vivants, l'autre pour les morts. Charon, le narrateur, est le porte-parole et sert d'intermédiaire entre ces deux mondes, qui se distinguent également par le choix de la nomenclature des instruments : les vivants sont accompagnés d'instruments à vent qui respirent, tandis que les morts, qui entonnent instantanément de l'italien classique (tiré ici de l'Enfer de Dante) lorsqu'ils entrent dans leur nouveau royaume, ne sont accompagnés que d'instruments à cordes. L’effectif instrumental est imposant, tout comme la présence de deux chœurs et de solistes vocaux. Du fait de sa narration en allemand, la partition reste cantonnée aux pays de langues germaniques où elle est régulièrement programmée, y compris dans une version scénique telle que la Komische Oper de Berlin l’a proposée au printemps dernier. 

Captée à Vienne en 2017 sur la scène de la grande salle du Konzerthaus, cette nouvelle gravure est de haut vol. Elle est portée par la direction allante et galvanisante de Cornelius Meister qui sait créer des ponts entre les différents morceaux pour insuffler à la partition une dimension épique de cette tragédie. Les forces chorales et instrumentales sont enthousiastes sous cette baguette inspirée, tout comme les solistes vocaux, Sarah Wegener et Dietrich Henschel, ce dernier est particulièrement à son aise dans les partitions à fortes densités émotionnelles. 

La discographie reposait jusqu'à présent sur la version historique dirigée par Henze en personne (DGG), secondée depuis peu par une gravure de concert de Peter Eötvös (SWR), mais cette nouvelle lecture s’affirme comme une grande réussite artistique et technique. Notons pour l’histoire que la véritable première en concert de cette œuvre se déroula à Vienne, au Musikverein, en 1971, avec ce même orchestre radio symphonique ORF sur scène.

Son : 9 – Livret : 10 – Répertoire : 9 – Interprétation : 9

Pierre-Jean Tribot

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