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Arrivés à mi-chemin de cette finale du Concours 2016, celui-ci pourrait être rebaptisé Concours Musical International Rachmaninov Reine Elisabeth.
Non, Arie van Lysebeth n'a pas annoncé le changement de nom en conférence de presse. Non, un groupe facebook pour qu'on impose (ou interdise, c'est selon…) le troisième concerto de Rachmaninov en finale n'a pas vu le jour, mais on se pose tout de même la question de savoir s'il est encore possible de gagner ce concours sans jouer ce concerto ? De toute évidence, on ne peut qu'admirer la prestation pianistique et athlétique de Chi Cho Han hier soir. Qui plus est, le finale digne d'une super production hollywoodienne (surtout quand les cordes se lâchent dans une envolée pathétique) est toujours un gage de succès populaire. Mais n'oublions pas que la musique de cette époque est aussi constituée de phrases musicales, avec des harmonies, des consonances et des dissonances qui donnent la logique au phrasé. Même si elle est complexifiée parfois de manière insensée par des octaves et des sauts d'accords, la syntaxe tonale a une direction.

Aljosa_Jurinic30071Et de ce point de vue, c'est Aljosa Jurinic qui m'a ému hier soir. Sa prestation dans Chopin était pleine de poésie. Il a une nature exceptionnelle. On devine des qualités musicales hors normes. Il a créé une bulle d'intimité profonde là où d'autres jugeront sa prestation en demi-teinte. Son romantisme est touchant, sensible mais jamais dégoulinant. Il nourrit constamment son interprétation où un même motif n'est jamais joué deux fois exactement de la même manière. Il a en quelque sorte invité chaque membre du public de la salle Henry Le Boeuf à s'asseoir à côté de lui, au piano. Il modifie ses nuances et son toucher aussi dans des successions de traits rapides et techniques là où d'autres feraient preuve de force et de bravoure. On oublie que le piano est un instrument à cordes frappées par des marteaux. Je persiste et signe, du grand Chopin ! Mais sa vision était sans doute trop difficile à mettre en place dans les moindres détails avec l'orchestre dans les conditions d'un concours. On voudra ré-entendre ce pianiste dans une version de concert aboutie avec un chef qui adhère à son interprétation. D'ailleurs il ne faudrait pas oublier sa prestation dans l'imposé où il a montré tout ce qu'on pourrait lui reprocher comme manquements dans Chopin. Il ne gagnera sans doute pas, peut-être ne sera-t-il pas classé car il a manqué de volume sonore, d'éclat ou d'attributs masculins qu'on ne peut pas nommer dans cet article -comme certains l'ont souligné après sa prestation- mais il regorge d'autres qualités. Il faudra suivre ce musicien dans sa carrière, après le Concours. Finalement, c'est là l'essentiel.
Michel Lambert
Palais des Beaux-Arts, le 25 mai 2016

La puissance de Rachmaninov
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Après Aljosa Jurinic, c’est au tour de Chi Ho Han de se lancer. La prestation du jeune Coréen dévoile une technique propre et bien maitrisée ainsi qu’un sens de la mélodie.
Dans A Butterflys Dream, le candidat nous présente une recherche intelligente de la sonorité en étant tout à la fois soliste et résonance de l’orchestre. Un peu dur sur le début de l’œuvre, il s’adoucit petit à petit pour laisser place à la tendresse du papillon. Il parvient à raconter une histoire et nous en fait profiter ! Une belle interprétation et les applaudissements de Claude Ledoux le confirment.
Pour la 2e fois, le Concerto n°3 en ré mineur op.30 de Rachmaninov résonne dans la salle Henry Le Boeuf. Chi Ho Han va nous montrer l’étendue de sa technique, traversant les cadences sans faiblir et sans fautes. Dès les premières notes, il captive le public qui reste suspendu jusqu’au magistral mouvement final. On est loin de la poésie de Jurinic, On est plutôt dans la performance et la puissance avec ce concerto qui ne laisse pas indifférent. Du haut de ses 24 ans, le jeune pianiste fait preuve d’une grande maturité. Quelques petits bémols néanmoins car on aurait aimé qu’il conduise parfois mieux ses phrasés et qu’il nous livre une interprétation plus personnelle.
Première standing ovation de la semaine, le public est conquis.
François Hanse, reporter de lIMEP
Palais des Beaux-Arts, le 25 mai 2016

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