Des pages séparées d’Hammerschmidt regroupées pour créer un petit opéra imaginaire

par

Andreas Hammerschmidt (1611-1675). « Du bist schön und lieblich ». Capucine Keller, soprano, Maxime Melnik, ténor ; Clematis, direction : Yoann Oulin et Stéphanie de Failly. 2024. Livret en français, anglais et allemand. 63’44. Ricercar-RIC 479.

Jérôme Lejeune nous a déjà réservé bien des surprises dans ses éditions de musique baroque allemande. Un compositeur apparaît au milieu d’une compilation (dans le 5e volume des Deutche Barock Kantaten » pour Andreas Hammerschmidt). On le sort ensuite de l’anonymat en lui offrant un panorama complet de sa production : ce fut « Ach Jesus stirbt » avec Vox Luminis. Et puis l’intérêt gonflant, on décide de se focaliser sur un seul versant de sa production. Ici son approche de l’amour humain au travers du « Cantique des Cantiques ».

En fait ce dernier fut tout au long de la Renaissance le livre de la Bible le plus courtisé par les compositeurs qui trouvaient dans les textes un érotisme réel que leur caractère sacré rendait présentable à des communautés plutôt austères. Hammerschmidt ne fait pas exception à la règle et son travail l’amène dans un de ses derniers recueils jusqu’à écrire, avec « Mein Freund ist mein », d’ailleurs sous-titré « dialogus », une véritable scène théâtrale.

Jérôme Lejeune va plus loin et conçoit un véritable opéra miniature à partir de pièces du compositeur entrecoupées de mouvements de danse d’un nouvel inconnu, David Funck. Il culmine dans les deux pièces tirées de sa « Kirchen-und Tafel-Musik de 1662 », le « dialogus », déjà évoqué et « Ich suchte des Nachts » qui décrit le parcours nocturne de la ville par l’amante à la recherche de son bien-aimé.

Et tout se termine par la même thématique du « Siehe mein Freund », celle fois confiée dans un réel duo à un total inconnu Thomas Strutz qui officia sa vie durant à Dantzig. Et une fois de plus, cette découverte est une réelle révélation.

Un tel programme n’est pensable que si les interprètes assurent une réelle continuité dans la succession de pièces diverses et, là, on ne peut qu’admirer la souplesse qui caractérise le travail de l’Ensemble Clematis qui anime ce parcours d’une bonne heure avec une belle flexibilité. Le passage des instruments aux voix se pratique avec une ductilité qui unifie le propos sans jamais le forcer. Cette superbe maîtrise peut alors se mettre au service des deux voix de la soprano Capucine Keller et du ténor Maxime Melnik (on est heureux de le retrouver au disque) qui habitent ces monologues ou dialogues amoureux avec une belle variété, jusqu’aux ornements dans les pages d’inspiration italienne. Mais celle-ci n’est jamais envahissante et la principale vertu de cette interprétation réside dans sa continuité : on impose un climat, souple et agile, et on le perpétue dans sa légèreté tout au long des péripéties.

Un véritable régal qui se déguste dans sa continuité. Quant à Hammerschmidt, une fois de plus, on en redemande.

Son : 10 Répertoire : 10 Livret : 10 Interprétation : 9

Serge Martin

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