Du classique follement Jazz pour l’ouverture de saison de l’ONL
Le théâtre du Casino Barrière de Lille était plein à craquer lorsque les musiciens, selon une habitude bien ordonnée, rejoignirent leurs pupitres. Petite note singulière toutefois la plupart d’entre eux arboraient, qui sur le strict costume de scène, qui au poignet ou pour nouer la chevelure, un éclatant ruban rouge. Il ne s’agissait pas d’une fantaisie vestimentaire mais, en ce jeudi 2 octobre, journée nationale de manifestation contre la politique d’austérité et de casse sociale des gouvernements successifs, une façon de dire qu’eux aussi étaient en grève et solidaires du mouvement dans le pays. En préambule au concert une jeune instrumentiste expliqua en termes sobres et clairs combien la culture qui n’est pas épargnée est pourtant plus essentielle que jamais. Propos chaleureusement accueilli par le public.
Place ensuite à la musique si indispensable pour un « vivre ensemble » aujourd’hui menacé par bien des aspects.
Cette soirée d’ouverture de la saison 2025/26, la seconde de Joshua Weilerstein à la direction musicale de l’Orchestre, avait une belle allure de classique follement jazz et l’origine newyorkaise du chef n’y est sans doute pas pour rien. Imaginez un peu le cocktail tonique que peut produire le mélange de Three Dance Episodes pour orchestre extraites de On the Town (1945) de Leonard Bernstein, le Concerto pour la main gauche de Maurice Ravel (1929), Harlem de Duke Ellington (1950) et, en seconde partie, la suite de 1919 de L’oiseau de feu d’Igor Stravinski. De quoi « faire sauter la banque » du Casino lillois qui accueillait l’évènement.
Le pianiste Bertrand Chamayou est sans conteste l’un des plus grands interprètes actuels de la musique de Maurice Ravel et son interprétation du Concerto pour la main gauche est époustouflante. La main droite forcément inutilisée pendant les 19 minutes du concerto devait fourmiller d’impatience et fut fort heureusement et délicatement mise à profit dans la Pavane pour une infante défunte, autre pièce célèbre de Maurice Ravel, donnée en bis.
Autre moment fort de ce concert, l’Oiseau de Feu de Stravinski, un éblouissement, qui témoigne du très haut degré de maîtrise, de connivence artistique et d’entente sensible déjà atteint entre le chef et son orchestre. Ça promet pour la suite !
La suite justement c’est déjà le 14 octobre, (le 15 à Paris au théâtre des Champs-Élysées) un programme Ravel (pour le cent-cinquantenaire du compositeur) avec le Concerto en sol majeur pour piano et orchestre et la Pavane pour une infante défunte (Nikolaï Lugansky au piano), suivi de l’envoutant Bolero et aussi une pièce moins connue : Antar, musique de scène de Ravel sur des thèmes de Rimski-Korsakov avec le comédien Charles Berling comme récitant.
Lille, Casino Barrière, 2 octobre 2025
Paul K’ros
Crédits photographiques : Ugo Ponte / ONL