Editorial : Huawei égale Schubert ?

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Tombé en milieu de la semaine dernière, le communiqué de presse de la firme technologique chinoise Huawei a interpellé : l’intelligence artificielle d’un de ses nouveaux smartphones va “terminer” la symphonie n°8 “Inachevée” de Franz Schubert, laissée à l’état de deux mouvements par le compositeur ! Qu’un téléphone qui loge dans la poche “termine” cette partition mythique, c’est certes une performance technologique ! Qu’elle soit réalisable par un smartphone chinois, voilà qui affirme l’Empire du milieu comme un leader incontournable de la technologie et du Soft Power ! Si la nouvelle a fait le tour des grands médias et des sites technophiles, elle est restée peu commentée chez les professionnels de la musique et les mélomanes.

En effet, le combat homme/machine n’est pas neuf et on se souvient des “unes” hébétées quand l’ordinateur Deep Blue d’IBM battit le champion du monde d’échecs Garry Kasparov, en 1997. De plus, “terminer” la symphonie inachevée n’est pas une première. Depuis le début du XXe siècle, plusieurs tentatives ont été menées par des compositeurs, des musicologues ou des chefs d’orchestre. Parmi celles-ci, on relève le concours organisé en 1928 par la Columbia Gramophone Company et gagné par le très oublié Franck Merrick, ou le récent essai du brillant chef suisse Mario Venzago qui livre sa complétion au pupitre de son orchestre de chambre bâlois (Sony). D’autres musicologues ou compositeurs se sont penchés sur la partition, mais au final aucune de ces tentatives émérites ne s’est universellement imposée…!

Pour en revenir à Huawei, les commentateurs attentifs aux détails du communiqué de presse notent que la marque, même si la création des mélodies des deux derniers mouvements est effectué par l’intelligence artificielle, a demandé au “vrai” compositeur Lucas Cantor d’orchestrer la partition. Comme quoi, malgré la puissance de calcul, un esprit humain créatif reste encore et heureusement irremplaçable !

Quant à Schubert, on verra si la postérité de son oeuvre est bouleversée par cette version présentée au public, en ce début de février, sur la scène londonienne de Cadogan Hall. On se limitera à analyser que les meilleures ré-interprétations de Schubert sont à mettre à l’actif de compositeurs comme Luciano Berio avec son Rendering d’après les esquisses de la symphonie n°10, ou Hans Zender avec son orchestration démoniaque du Winterreise. La créativité du passé et du présent s'additionnent, sans le moindre ajout numérique ou technologique, voilà qui est rassurant !

Crédits photographiques : Huawei/DR  

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