Jodie Devos fête Offenbach

par

Jacques OFFENBACH (1819-1880) : Colorature. Extraits : Boule de Neige, Vert-Vert, Orphée aux Enfers, Un Mari à la Porte, Fantasio, Les Bavards, Mesdames de la Halle, Le Roi Carotte, Les Bergers, Fantasio, Les Contes D’Hoffmann, Robinson Crusoé, Boule de Neige, Boule de Neige,  Le Voyage dans la Lune. Jodie Devos, soprano, Adèle Charvet, mezzo-soprano.  Münchner Rundfunkorchester, Laurent Campellone, direction. 2018. 60’59’’, Livret de présentation en Français, en Anglais et en Allemand. 1 CD  ALPHA 437.

Après Il était une fois déjà chez Alpha Classics, Colorature signe une nouvelle collaboration entre la soprano Jodie Devos, Alexandre Dratwicki et le Palazzetto Bru Zane. Ce CD vaut le détour chez les disquaires à plus d’un titre. Tout d’abord parce que Jodie Devos y rayonne une fois de plus dans un répertoire qui lui sied à merveille. La jeune Belge installée à Paris qu’on aura appréciée dans La Reine de la Nuit sur la scène de la Monnaie ou en comtesse du Comte Ory récemment à Liège n’a pas fini son ascension. Elle développe une carrière prometteuse avec intelligence, fraîcheur et humilité. Ensuite parce que le répertoire choisi prend une dimension musicologique en diffusant des airs d’Offenbach tombés dans l’oubli et ressuscités par le Palazzetto Bru Zane. Il s’agit d’un centre de musique romantique française qui a pour objectif de redécouvrir et de promouvoir le répertoire français du grand XIXe siècle, c’est-à-dire allant de 1780 à 1920. Dans une démarche tant scientifique qu’artistique, ce collectif produit des enregistrements ou des concerts mais il réalise aussi des publications, il édite des partitions ou il soutient des actions pédagogiques. Alexandre Dratwicki témoigne : « En écoutant cette guirlande d’airs ainsi interprétés, on réalise à quel point Offenbach maîtrise l’art de la demi-teinte au même niveau que celui du comique ou de la dérision. À côté de quelques extraits célèbres, c’est aussi un visage inconnu du compositeur qui se révèle à travers des ouvrages oubliés. » En effet, on découvre aussi dans cet enregistrement un Offenbach écumant les petites salles, sans argent ni moyen et parfois sans succès mais dont la plume s’aiguise pour faire sonner de petits orchestres ou pour exploiter les qualités vocales des « chanteuses d’agilité » à sa disposition. Et Jodie Devos ne manque pas d’agilité dans cette musique faussement facile. L’impression de simplicité de certains airs est due à l’habilité du compositeur au phrasé élégant et naturel ainsi qu’à la technique irréprochable de la soprano. L’intelligibilité du texte est soignée dans une tessiture où la langue française souffre en règle générale. Le livret propose d’ailleurs les textes en français et en anglais. La poésie de ceux-ci est parfois relative et pas toujours simple à défendre mais Jodie Devos les transmet avec la fraîcheur requise. A contrario, l’interprétation de la romance d’Elsbeth montre une profondeur et une rondeur dans la couleur vocale. L’invocation d’Eurydice est un très beau moment. À la fois touchant et à la fois un moment d’abandon où la mort devient une naissance dans une sonorité chaude et ample de l’orchestre traduisant un destin inexorable, certes, mais serein et apaisant. L’orchestre de la Radio de Münich joue bien, dirigé avec souplesse et légèreté par Campellone (très sautillant au pupitre). Le chef se met à la fois au service d’un compositeur et d’une interprète.

Jodie Devos partage le célèbre duo « Belle Nuit, Nuit d’amour » avec une jeune mezzo-soprano française Adèle Charvet. On ne restera pas non plus insensible au brillantissime « Les oiseaux dans la charmille ». Jodie Devos nous confiera d’ailleurs l’importance d’offrir ces deux tubes d’Offenbach aux auditeurs.

Ce CD marque incontestablement une étape vers la maturité musicale et vocale dans la carrière de la jeune Belge. Mais Jodie Devos ne perd rien de ses atouts pétillants et sincères qui ont marqué son début de carrière. Gageons qu’elle pourra conserver cette marque de fabrique dans ses productions artistiques futures, comme par exemple dès ce printemps sur la scène de l’opéra Bastille à Paris.

Michel Lambert

Son 10 - Livret 10 - Répertoire 9 - Interprétation 10

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