Grande offensive Alagna !

par

0126_JOKERJules MASSENET (1842-1912)
Werther
R. ALAGNA (Werther), K. ALDRICH (Charlotte), M. BARRARD (Albert), N. MANFRINO (Sophie), M. TREMPONT (le Bailli), L. PEZZINO (Schmidt), A. GABBA (Johann), Choeur d'enfants Voci Bianche di Torino, Orchestre du Teatro Regio di Torino, dir.: Alain GUINGAL, mise en scène : David ALAGNA
DVD-Live Turin juin 2005-135'-Notice en anglais et français-chanté en français-DG 076 288 3

Jamais le grand ténor Roberto Alagna n'a été aussi omniprésent qu'en ce début d'année 2015. Chez le même éditeur vient déjà de paraître un superbe récital CD, intitulé "Ma vie est un opéra", qui comporte deux beaux airs d'opéras français moins connus (La Reine de Saba de Gounod, et Sigurd de Reyer). Au printemps, il sera à l'affiche à l'Opéra de Paris dans deux rôles aussi rares que passionnants, Rodrigue du Cid de Massenet et Lancelot du Roi Arthus de Chausson. Cet intérêt pour le patrimoine lyrique national -dontil faut le remercier- ne date pas d'hier : en voici un témoignage avec ce magnifique Werther de 2005. Dès son air d'entrée "Ô Nature pleine de grâce", il est le héros romantique, charmeur et tourmenté que l'on attend, au timbre chaleureux et radieux. Cet idéal se poursuit tout au long des quatre actes, du fameux duo du "clair de lune" à sa mort émouvante, en passant par la tension intérieure de "Lorsque l'enfant revient" ou le lied d'Ossian. L'incarnation est parfaite, tant musicale que scénique : son apparition, pauvre héros échevelé, après l'air des lettres de Charlotte, est saisissante ! Werther repose également sur les épaules fortes -mais fragiles aussi- de Charlotte. L'interprétation de Kate Aldrich rejoint celle de son amant dans l'adéquation au rôle, certainement dans cet air des lettres précisément, si connu et que l'on redécouvre grâce à sa ferveur, mais aussi dans les duos des actes II et III, très intenses. Sophie, pour une fois, n'est pas une oie blanche ou une blonde idiote mais un vrai tempérament : on peut faire confiance à Nathalie Manfrino, plus amie confidente que petite sœur écervelée. Impeccable Marc Barrard en Albert stylé et soucieux. Les deux compères Johann et Schmidt sont excellents mais l'accent d'Armando Gabba laisse à désirer. Quant au bailli, Michel Trempont a dû le chanter un million de fois. Cette interprétation quasi parfaite est magnifiée par une direction d'acteurs qui, si elle ne se remarque peut-être pas, est calculée au millimètre. Et si l'émotion atteint son comble au duo de l'acte III, c'est grâce à la mise en scène aussi, discrète, traditionnelle sans doute, mais totalement fidèle, de David Alagna, frère de Roberto, et compositeur (Le Dernier Jour d'un condamné, créé à Paris en 2007, enregistré chez DG). Responsable des décors et aidé par les lumières chaleureuses d'Aldo Solbiati et les costumes de Louis Désiré (ah, la robe écarlate de Charlotte !), David Alagna recrée une atmosphère sans le dire : on y croit totalement, on y est, on s’y sent. Il faut enfin citer Alain Guingal et son orchestre turinois en belle forme, mettant bien ses instruments en valeur (la clarinette à l'entrée d'Albert ou le saxophone dans l'air des lettres -décidément un sommet de la production). En conclusion, voici un Werther idéal, sans grande innovation "moderniste" certes, mais à conseiller impérativement à tout amateur d'opéra, chevronné oui, mais surtout débutant : il n'y a pas plus belle introduction à l'un des plus grands fleurons de l'opéra français !
Bruno Peeters

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