Il cappello di paglia di Firenze : étourdissant Nino Rota pour lequel Michieletto déchaine son sac à malices

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C’est un superbe pari que vient de réaliser l’Opéra de Liège-Wallonie en révélant au public belge Il cappello di paglia di Firenze, la farce musicale de Nino Rota.

Un compositeur prolifique

Renommé pour ses musiques de film (plus de 170 !), ce dernier fut le compositeur-lige de Fellini. Mais cette intense activité en cache une autre non moins majeure comme compositeur classique avec pas moins de 4 symphonies, 9 concertos, beaucoup de musique de chambre et 11 opéras dont ce Cappello, écrit en 1946 mais créé seulement en 1954 à Palerme avec un grand succès qui couronne le compositeur de La Strada, le film de Fellini sorti la même année.

Rota ne se laissa jamais embrigadé dans les aventures de l’avant-garde d’après-guerre. Son écriture s’inscrit dans la foulée des grands classiques avec toutefois une dose d’ironie primesautière ou sentimentale qui fait tout le sel humaniste de sa production.  Il cappello di paglia di Firenze , inspiré du Chapeau de paille d’Italie de Labiche, en est une des plus étincelantes illustrations.

Une farce délirante

L’œuvre récupère avec éclat la course folle d’un marié, Fadinard, à la recherche d’un chapeau de paille dévoré par le cheval du prétendant. Or il se fait que le chapeau appartient à une femme mariée Anaïde, en galante compagnie avec un bel officier. Le mari étant un sombre jaloux, Fadinard se voit forcé de retrouver un couvre-chef du même type. Et le voilà parti, trainant derrière sa noce, faire le tour des modistes jusqu’à ce qu’une dernière le prévienne qu’elle a vendu l’unique exemplaire restant à la Baronne de Champigny. Il la visite donc au milieu d’un gala, suivi de la noce qui dévore ce qu’elle croit être le repas de noces au « Veau qui tête ». La baronne avoue avoir offert le chapeau à sa filleule, Madame Maupertuis. Fadinard se précipite chez cette dernière et y découvre son mari qui n’est autre que l’époux d’Anaïde. Furieux, ce dernier charge son revolver et Fadinard ne doit son salut qu’à une fuite qui le ramène devant chez lui, bientôt rejoint par la noce où le beau-père Nonancourt exige que l’on rende les cadeaux. C’est alors que l’on constate que l’oncle Vézinet, qui, sourd, ne comprend rien de qui se passe avait amené comme présent un…chapeau de paille de Florence. Le temps de le dénicher et de le rendre à Anaïde et celle-ci peut l’afficher devant son mari. Après mille péripéties, tout s’arrange donc dans un consensus retrouvé.

Un tel récit exige un rythme un peu fou où l’orchestre, plein d’allusions et de citations d’autres compositeurs, toujours traitées avec une rare malice, est le véritable moteur de l’histoire. Les chanteurs, eux, sont traités avec une juste caractérisation de leurs joies, colères ou fantasmes. L’opéra repose donc pleinement sur une complicité amusée entre le plateau et la fosse.

Un spectacle d’une rare vitalité

Le grand mérite de Damiano Michieletto réside dans le rythme trépidant qu’il impose au spectacle auquel il restitue sa vraie vivacité de vaudeville. Fidèle à un genre renommé pour ses portes qui claquent, il conçoit des murs et portes blancs qui bougent au gré de l’action pour constituer de nouveaux lieux scéniques. Ils accompagnent les chanteurs-acteurs dans leurs pérégrinations, créent des impasses ou libèrent des issues salvatrices. On s’amuse donc beaucoup tout en se laissant emporté par un tourbillon envahissant.

Une distribution déchainée

Un tel spectacle exige donc une présence scénique de chaque instant, réglée au scalpel par le metteur en scène et mise en place avec une rare flexibilité par son assistante, Paola Ornati. Chacun dans cette distribution y va d’une juste caractérisation : un Oncle Vézinet (Didier Pieri), ballotté dans tous les coins mais qui reste attaché à l’arbrisseau qu’il a amené et demeure au milieu des plus folles péripéties le symbole de l’attachement des mariés l’un pour l’autre. Pietro Spagnoli est un explosif Nonancourt qui ne s’arrête de s’écrier « Tout est rompu » que pour se plaindre de ses maux de pieds dans ses souliers. Les femmes ont un charme fou : l’Anaïde frivole mais apeurée d’Elena Galitskaya, la baronne vorace de Jesy Santos, Maria Grazia Schiavo, l’épouse qui montre une belle constance au milieu de son environnement franchement délirant. Et par-dessus tout, il y a le Fadinard passe-partout, d’un Ruzil Gatin charmeur ou menaçant, cajoleur ou apeuré, surnageant avec crânerie à la démence ambiante. Car on retrouve tout au long du spectacle un réel vent de folie comme celui qui peut traverser un opéra de Rossini. On court ou on se cache, on crie ou on soupire. De fâcheries en fou-rires, de folles galopades en clins d’œil complices, l’action, dictée par la direction nerveuse mais caractérisée de Leonardo Sini, ne laisse aucun repos à un orchestre bondissant tout comme au chœur, moteur indispensable de l’histoire et qui se couvre de gloire vocalement mais aussi scéniquement.

Bref un spectacle d’une rare unité faite de la conjonction des contraires qui demeurera une des grandes réussites de l’Opéra de Liège-Wallonie.

Liège, Théâtre Royal, le 16 novembre

Serge Martin

Crédits photogrphiques : J.Berger / Opéra Royal de Liège

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