Intégrale des Impromptus de Fontainebleau par deux sommités de la musette

par

Nicolas Chédeville (1705-1782) : Les Impromptus de Fontainebleau. Jean-Pierre Van Hees, Pieterjan Van Kerckhoven, musettes. Juillet 2018. Livret en anglais, néerlandais, français. TT 72’40. Etcetera KTC 1716

En mars 1991, Jean-Pierre Van Hees participa à l’enregistrement de l’album Les Festes Galantes (Auvidis Valois), qui incluait trois pièces de Nicolas Chédeville. Son comparse d’alors, Jean-Christophe Maillard, spécialiste de la musette, nous a quittés en 2015 ; le présent album lui est dédié. Il était originaire de Fontainebleau, d’où nous vient ce cahier d’Impromptus. « Les noms que j’ay donnés a ces airs rappellent le lieu, où pour la premiere fois, vous avés touché l’instrument auquel ils sont destinés » lit-on dans la dédicace du compositeur à Victoire de France (1733-1799), fille de Louis XV. La difficulté technique de ces duos les éloigne de toute pratique novice et en dit long sur la virtuosité de la jeune fille qui n’avait pas dix ans quand les premières de ces pièces furent écrites en 1741.

Leur titre illustre le pastoralisme et les plaisirs cynégétiques, on s’y attend dans ce domaine dont la forêt était théâtre de chasse royale, mais traduisent aussi d’élégantes danses de cour (menuets, gigues, contredanses, canaries…), et quelques pages ouvragées telles les chaconnes : La Chaise à l’abbé ou La Table du Roi, les deux plus longues du recueil, avoisinant les trois minutes. Si l’on se réfère aux partitions, mentionnons au passage une erreur de graphie en plage 3 (L’Allée Royalle, et non Vallée Royalle). 

La notice retrace l’histoire et l’organologie de cet instrument de complexe facture, rappelle sa faveur sous l’Ancien Régime où on lui consacra des concertos, d’innombrables sonates, où on l’invitait à l’opéra (l’Alceste de Lully, Rameau et bien d’autres) et où on lui offrait même des transcriptions (les Saisons amusantes du même Chédeville, d’après Vivaldi bien sûr). Sans illusion, le livret évoque certes le dédain qu’il endure aujourd’hui, victime d’une méfiance croisée : pas assez sérieux, trop populaire pour les cénacles savants, et trop « perruqué » pour les musiciens qui font vivre le répertoire traditionnel. Face à l’intérêt de ce recueil de 39 impromptus qu’ils estiment patrimonial, les deux interprètes en proposent un enregistrement intégral. Nul doute que ces vignettes plairont, puisque l’agrément forme leur enjeu, voire le borne.

L’écoute en continu risque ainsi de s’avérer fastidieuse, hormis pour les passionnés d’aérophones à poche, qui se réjouiront que Jean-Pierre Van Hees et Pieterjan Van Kerckhoven varient instruments et tessitures, en alternant les musettes en ivoire et celles en bois. On considérera comme tel ce disque encyclopédique et capiteux, où l’on se désaltérera selon ses envies et besoins. À l’instar d’une précieuse liqueur dont on se réserve un verre de temps en temps. Parmi ce décor d’aristocratie champêtre, avouons un faible pour La Route ronde, Les Franchards, la dignité de Clorinde, l’irrésistible Tambourin… Jean-Pierre Van Hees et son élève sont deux experts de la musette, leur interprétation triomphe à la hauteur de leur réputation et de leur art, impeccable et sensible. La captation studio sans recul aurait toutefois mérité un peu d’aération et d’acoustique ambiante, au risque que l’on sorte de cette heure et quart avec la tête… qui bourdonne.

Son : 8 – Livret : 9,5 – Répertoire : 7-8 – Interprétation : 9,5

Christophe Steyne

 

 

 

 

 

 

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