Le regard introspectif de Yuncham Lim sur les Saisons de Tchaïkovski

par

Piotr Illich Tchaïkovski (1840-1893) : Les Saisons. Yunchan Lim, piano. 2024. Livret en anglais, français, allemand et coréen. 44’20''. Decca 4871021

Les Saisons sont un cas à part dans l’œuvre pianistique de Tchaïkovski : de courtes pièces écrites comme un feuilleton pour publication dans le Nouvelliste, un magazine musical de Saint Pétersbourg, chacune accompagnée d’un texte poétique, probablement choisi par l’éditeur Nicolai Bertrand. Avec cet effet que ces œuvres peuvent être approchées comme une série de morceaux séparés ou plutôt comme un cycle qui nous raconte une histoire, celle du lent effacement d’un homme, une sorte de Winterreise miniature.

A chaque interprète d’adapter alors sa perception à son interprétation. Yuncham Lim s’investit dans chaque pièce, y créant un regard introspectif, servi par une variété magique du toucher. Chaque saison devient une vraie pièce de genre qui revendique son originalité sans toutefois jamais se départir d’une intériorité très chambriste. La première saison, Au coin du feu, dégage un intimisme presque schumanien, le Carnaval une effervescencemesurée, Le chant de l’alouette une mélancolie rêveuse. Une nostalgie, discrète mais essentielle, imprègne de nombreuses pages de ce qui reste néanmoins un parcours de la douleur. Le ton n’en monte pas moins dans une Moisson bien enlevée ou une Chasse pétaradantemais chaque fois la section centrale nous ramène des instants plus intimes. La fantaisie reprend ses droits dans « Le chant d’automne » avant que des rythmes de danse esquissés n’accompagnent des climats éphémères et fuyants dans « Troïka » et « Noël ».

La démonstration pianistique est en tout cas magistrale. Et c’est ici que cette lecture très explicite se confronte à la vision très unitaire de Bruce Liu (DG) qui installe son interprétation dans la continuité et recrée l’impression d’un réel cycle avec, lui aussi, des trésors de délicatesse. Lim démontre dans un mélange de panache et de discrétion, Liu nous raconte une histoire. Les deux visions se complètent plus qu’elles ne s’opposent mais n’atteignent peut-être tout-à-fait la réconciliation des contraires réussie par Mikhail Pletnev au début de sa carrière et que Warner vient de nous rendre dans le coffret qu’il consacre aux premiers enregistrements du pianiste russe.

Son : 10 Livret : 9 Répertoire : 10 Interprétation : 9

Serge Martin

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