Manrico Padovani met sa virtuosité au service de Paganini

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Niccolò Paganini (1782-1840) : Concertos pour violon et orchestre n° 1 en ré majeur, op. 6 M.S. 21 et n°2 en si mineur op. 7 M.S. 48 ; Sonate avec variations pour violon et orchestre d’après un thème de Joseph Weigl, M.S. 47. Manrico Padovani, violon ; Orchestre Philharmonique d’Olténie et Orchestre Philharmonique Seoul Güri, direction Boris Perrenoud ; Orchestre de la Radio suisse italienne, direction Howard Griffiths. 2012 et 2014. Notice en allemand et en anglais. 77’09’’. ArS 38 654.

Ce que nous avons entendu dépasse l’entendement et ne peut se décrire avec des mots… Il allie à une prodigieuse noblesse une pureté sonore exceptionnelle… Rien ne paraît le rebuter, ni les cordes montées et descendues sans interruption à une vitesse vertigineuse, ni les morceaux de bravoure les plus difficiles. Ce qui, en d’autres circonstances, toucherait aux limites du charlatanisme, nous transporte jusqu’à l’extase muette, tant son exécution revêt un caractère de perfection inégalable. Ces lignes enthousiastes, reproduites dans le livre de Xavier Rey consacré à Niccolò Paganini (L’Harmattan, 1999, p. 132), ont été rédigées par un rédacteur du Musiker Zeitung, une revue musicale de Vienne, après un concert du virtuose, donné le 29 mars 1828, au cours duquel il joua son Concerto n° 1 

La fascination pour cette partition acrobatique, composée en 1815-16, s’exerce toujours, même si la partition orchestrale n’est pas des plus légères et peut apparaître comme boursouflée, si le chef qui la dirige ne veille pas à en équilibrer les proportions. La discographie, copieuse, montre l’intérêt des plus grands virtuoses de l’archet pour cette page d’une bonne trentaine de minutes : Yehudi Menuhin, Michael Rabin, Gidon Kremer, Viktoria Mullova, Salvatore Accardo, Leonid Kogan, Itzhak Perlman, Midori, Hilary Hahn, Kristóf Baráti et quelques autres en ont laissé un témoignage. Le présent album propose celui du Suisse Manrico Padovani (°1973), né à Zürich, qui a étudié à Winterthur, puis à Amsterdam avec Herman Krebbers, et a reçu des conseils de Ruggiero Ricci, Franco Gulli, Viktor Pikaizen et Boris Belkin. Padovani a été invité par Anne-Sophie Mutter à jouer avec elle, dans le cadre de la fondation qui porte le nom de la star allemande, lors de tournées européennes. Il a été le premier archet suisse à graver les 24 Caprices de Paganini.

Dans la discographie de Padovani, on trouve notamment des œuvres de Beethoven (Concerto et Romances), Brahms, Prokofiev, Sarasate ou Saint-Saëns, toutes pages gravées pour divers labels et avec différentes formations, en complicité avec le chef d’orchestre Boris Perrenoud (°1966), Suisse lui aussi. Dans le cas présent, on découvre un concert public de novembre 2012, donné à Craiova (la ville roumaine qui a vu naître Lola Bobesco), avec l’Orchestre philharmonique d’Olténie. Padovani, qui joue sur un violon Del Gesù de Vuillaume, qui date de 1861, se joue avec facilité de tous les moments de bravoure du Concerto n° 1 dans l’Allegro maestoso initial, enlevé avec passion, au sein duquel on entend la vertigineuse cadence du Français Emile Sauret (1852-1920), qui a été un élève de Vieuxtemps et de Wieniawski, et a joué en duo avec Franz Liszt. Une belle expressivité se dégage du bref Adagio, avant le retour à une brillante virtuosité dans le Rondo final. Une version attachante sur le plan violonistique, avec l’accompagnement de la phalange roumaine que Perrenoud dirige avec doigté. 

En complément, on trouve un troisième témoignage, non daté, avec l’Orchestre de la Radio suisse italienne, cette fois sous la direction de l’Anglais Howard Griffiths (°1950). Cette page d’une petite dizaine de minutes a été composée vers 1818, sur le thème Pria ch’io l’impegno, tiré du deuxième acte de l’opéra méconnu L’amor marinaro ossia Il Corsaro (1797) de l’Autrichien Joseph Weigl (1766-1846), un élève de Salieri qui fut violoncelliste dans l’orchestre des Esterhazy. Paganini semble avoir créé ces variations avec orchestre à Gênes en mai 1824. Avec ses effets harmoniques, elle complète joliment un programme que les amateurs de Paganini découvriront avec plaisir pour la virtuosité du soliste suisse, mais dont la prise de son, à Craiova ou à Séoul, est de qualité relative.

Son : 7  Notice : 8  Répertoire : 9  Interprétation : 7,5

Jean Lacroix

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