« Mille ans » de musique en une heure à la Piccola Scala

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Le programme  du récital a cappella proposé par l’Ensemble 44 pour inaugurer la 8ème édition du Festival « Aux Armes Contemporains » peut laisse rêveur :  « Mille ans » de musique, 17 airs à quatre ou cinq voix en une seule petite heure. De fulgurants allers-retours temporels qui ont de quoi donner le vertige : du Livre vermeil de Montserrat à Claude Debussy pour revenir à Hildegarde von Bingen en passant par Brahms et Arvo Pärt. 

Après avoir descendu une interminable volée de marche, le public s’installe dans la Piccola Scala, petite cave équipée en studio ; il est instantanément saisi et transporté : par la beauté évidente d’un récital pétillant d’intelligence, de gravité et d’humour. 

Comme le remarque la directrice musicale et compositrice Elisabeth Angot, la voix humaine précède tous les autres instruments et reste la même à travers les siècles. Tel est le point de départ qui donne toute sa cohérence à une énumération d’œuvres à priori disparates.Telle est la matière première qui se prête à tous les jeux. D’abord avec le texte  – éternelle question jamais résolue « prima la musica, dopo le parole », la musique avant les mots ou l’inverse ?-  jeux de pulvérisation des sons et du sens (Fugue géographique d’Ernst Toch), effacement, enlacement; jeux avec les rythmes, les tonalités ou leur absence; jeux avec le ton, mystique ou paillard... l’ingéniosité humaine semble illimitée. Chaque pièce met en valeur la précédente comme la suivante si bien que l’auditeur est constamment surpris et charmé.

L’ensemble 44 fondé en 2019 en Avignon compte trois voix graves pour deux élevées. L’équilibre se révèle admirable chez Johannes Brahms (In Stiller Nacht). Il donne profondeur et ferveur au Most Holy Mother of God de l’Estonien Arvo Pärt. Enlevés par l’énergique chef de chœur et baryton Igor Bouin, les airs gaillards de Francis Poulenc (Margoton va t’a l’iau), Clément  Janequin (Ce moys de mai) ou l’anonyme En venant de Lyon prennent toute leur saveur. Très émouvants, le Kyrie Cunctipotens du XIIe siècle placé en regard de l’hymne Quia Ergo Femina d’Hildegarde von Bingen, suspendent le temps. En revanche, les mélodies de Claude Debussy et Camille Saint-Saëns gagneraient à s’imprégner de cette langueur délétère, dangereusement suave, si caractéristique de l’art de la fin du XIXe siècle. Enfin, la mezzo-soprano Mathilde Rossignol fait de Pub 2 de Georges Aperghis un morceau de bravoure plein de finesse, d’érotisme et d’humour.

Le titre de ses œuvres, N39 et N20 disent assez le goût de la compositrice Elisabeth Angot pour l’abstraction pythagoricienne. Si notre époque porte la cérébralité au pinacle, en particulier chez les artistes féminines, la formation vocale très charnelle présentée ici appelle une sensualité qui ne demande qu’à se libérer.

La Piccola Scala, vendredi 10 octobre 2025

Crédits photographiques : François Barbier-Valida

Bénédicte Palaux Simonnet 

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