Musique sacrée à la Cour des Gonzague : de Mantoue à… Capoue ?

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Splendours of the Gonzaga. Claudio Monteverdi (1567-1643) : Confitebor III alla francese ; Laetaniae della Beata Vergine ; Cantate Domino. Benedetto Pallavicino (c1551-1601) : Dum complerentur ; Misericordias Domini. Salomone Rossi (c1570-1630) : Keter yitnu ; Yesurum midbar. Giaches de Wert (1535-1596) : Adesto dolori meo ; Omnis homo primum ; Speremus meliora omnes. Giovanni Giacomo Gastoldi (c1554-1609) : Magnificat VIII toni ; Regina coeli. Amante Franzoni (1575-1630) : Dixit Dominus VI toni. Biscantores, Luca Colombo. Luciana Elizondo, viole de gambe. Giangiacomo Pinardi, archiluth. Gianluca Viglizzo, orgue. Livret en italien, anglais, français (paroles des chants avec traduction trilingue). Septembre 2020. TT 63’55. Arcana A545

« Isabelle d’Est », « à l’intérieure », « exposant » pour représentant, contresens sur « Gugliemo dédie au Duc de Wert son Motectorum liber primus » et quelques autres maladresses… : Arcana nous avait habitués à des notices mieux relues. On se référera plutôt au texte original en italien, ou à sa traduction en anglais. De Giaches de Wert à Amante Franzoni, aussi rare au disque que son aîné Giovanni Giacomo Gastoldi, le programme illustre un demi-siècle du répertoire sacré à la Cour des Gonzague. Dérogeant au lieu censé fédérer cette anthologie, le parcours inclut trois œuvres de Monteverdi, publiées après son départ de Mantoue. En gage de rapprochement interreligieux, on glanera deux incursions tirées des Chants de Salomon de Rossi, dans la lignée esthétique de Lassus, dont les subtiles altérations tentèrent leur chemin dans la communauté hébraïque.

Tapissé sur la sourde rumeur d’un orgue et des cordes pincées, l’ensemble Biscantores fait son miel avec Omnis homo primum et Speremus meliora omnes, dont les respirations contrapuntiques s’organisent avec homogénéité et subtilité, délicatement nuancées comme des perles d’opale. Et quelle savante ingénierie instillée aux chromatismes d’Adesto dolori meo ! Mais les mêmes recettes déçoivent dans les exercices polychoraux de Benedetto Pallavicino : malgré une louable habileté à façonner les volumes et gonfler les voiles aux points névralgiques, la sobre application de Biscantores s’avère un bien pâle et scolaire écho des voisins cori spezzati qui résonnaient sous les dômes de la Sérénissime république.

Malgré le soin méticuleux que l’équipe de Luca Colombo révèle page après page, les divers styles abordés peinent à se distinguer, à trouver leur juste caractérisation, –d’autant que des tempi linéaires et émollients, un relief expressif horizontalisé, finissent par distiller une regrettable lassitude. « L'ennui naquit un jour de l'uniformité ». Dommage, car dans la transparente acoustique de cette église de Crémone, la lumière et le satin des voix enchantent constamment… comme les Délices de Capoue.

Son : 9 – Livret : 9 – Répertoire : 8-9,5 – Interprétation : 8

Christophe Steyne

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