Natalie en Russie
Gaetano DONIZETTI
(1797-1848)
Lucia di Lammermoor
Natalie DESSAY (Lucia), Piotr BECZALA (Edgardo), Vladislav SULIMSKY (Enrico), Dmitry VOROPAEV (Arturo), Ilya BANNIK (Raimundo), Zhanna DOMBROVSKAYA (Alisa), Sergei SKOROKHODOV (Normanno), Orchestre et Choeurs du Théâtre Mariinsky, dir.: Valery GERGIEV2011-SACD-131’ 05’’-Textes de présentation en russe, anglais, français et allemand-chanté en italien-Mariinsky MARO512
Etonnant Gergiev, qui dirige tout ! Le répertoire russe bien sûr, mais aussi les symphonies de Mahler, Parsifal, Elektra ou Don Quichotte. Incroyable boulimique, le voici qui aborde l’opéra italien, après une très réussie Forza del Destino dans la version originale pétersbourgeoise. Réussit-il tout pour autant ? Je serais un rien mitigé pour la présente Lucia di Lammermoor, icône du bel canto. Donizetti n’est pas Verdi, et son orchestre est différent. Gergiev tend un peu trop à l’assimiler à la “grande guitare”, terme péjoratif dont on affuble souvent l’accompagnement des opéras de cette époque, et appliqué par Wagner à Bellini. Un peu mou au premier acte, il se réveillera au second (excellent finale) ou lors du duo Enrico – Edgardo au premier tableau du troisième. Mais le sombre prélude orchestral de la scène finale au tombeau témoigne de nouveau d’une curieuse indifférence. Il y avait ici moyen de faire beaucoup mieux. Dommage. Vocalement, cette nouvelle intégrale a bien des atouts, ne fût-ce que, bien sûr, la merveilleuse Lucia de Natalie Dessay. Elle égale sans peine sa version française, dirigée par Evelino Pido (Virgin). “Regnava nel silenzio”, mais aussi “Sulla tomba che rinserra” sont admirables, quoique plus calmes et plus ‘concert’ que chez Pido, et la scène de la folie, tube absolu de l’opéra, la montre à son sommet. Elle y émerge d’un songe, et parcourt un monde différent de la réalité, vivant déjà ailleurs. La sonorité irréelle de l’harmonica de verre, voulue par Donizetti, ajoute énormément à cette impression onirico-fantastique propre à cette scène extraordinaire. Un très grand bravo aux interprètes slaves qui tous, sans exception, s’avèrent excellents. Piotr Beczala, bien connu, est un maître du beau chant, tant dans le célèbre sextuor que dans “Tombe degli avi mei”, l’Enrico de Sulimsky impressionne dès sa cavatine d’entrée au tout début de l’oeuvre, pour éclater dans ses nombreux duos, tout comme le Raimundo de Bannik, fort remarquable dans son récit de la folie de Lucia au III. Petite mention spéciale aussi pour la belle basse de Skorokhodov en Normanno, rôle un peu sacrifié. En somme une très belle version vocale, légèrement handicapée par la direction trop indifférente de Gergiev. Pour les Lucia parfaites, il faudra encore et toujours revenir à Sutherland – Pritchard ou Bonynge, ou, mieux encore, à Callas – Karajan.
Bruno Peeters
Son 9 - Livret 9 - Répertoire 10 - Interprétation 9