Orée du baroque italien : Fontana et Notari acclimatés à la flûte à bec  

par

Giovanni Battista Fontana (1589-1630) : Sonate seconda, sesta, terza, quinta, prima, quarta. Angelo Notari (1566-1663) : Arie sopra il Ruggiero ; sopra la Monica ; sopra la Romanesca. Ciaccona. Ancor che col partire. Canzone passaggiata. Francesco Rovigo (1541-1597) : Toccata. Julia Fritz, flûtes à bec. Reinhild Waldek, harpe triple. Magdalene Harer, soprano. Johannes Hämmerle, orgue Antegnati de la Basilique Palatine de Mantoue. Octobre 2020. Livret en allemand, anglais. TT 71’36. Audite 97.797

Cet album documente deux compositeurs originaires d’Italie du nord à l’orée du Baroque. Contemporain de Monteverdi, Angelo Notari naquit à Padoue la même année que Carlo Gesualdo et s’éteignit presque centenaire à Londres où il avait émigré en 1610. Il servit à la Cour d’Henri II, de Charles Ier (jusqu’à son assassinat en 1649), puis de son fils Charles II sous la restauration monarchiste. Le manuscrit Ms. 31440 de la British Library, qui conserve quelques œuvres attribuées à Notari, précède-t-il cet interrègne et la période du Commonwealth ? On y trouve des pièces de sa propre main, d’autres inspirées d’airs à la mode (Monteverdi, Cipriano de Rore), des pages pour instrument soliste (violon ou flûte) et basse continue. Le programme nous mène ainsi de l’influence contrapuntique (chaconne, toccata) héritée de la prima prattica vers l’expressivité de la seconda prattica ici figurée par les diminutions et ornementations sur les chansons populaires, justifiant la contribution de la soprano Magdalene Harer, dont on aurait espéré un timbre plus chaud. Mais qui ne pâlit pas face aux angélismes d’Emma Kirkby dans un ancien vinyle Hyperion (Love And Languishment, février 1984), le premier entièrement consacré au compositeur padouan.

Natif de Brescia, Fontana rayonna au nord du pays quand s’émancipait le répertoire pour violon, comme l’attestent ses Sonates éditées à Venise en 1641 à titre posthume. Pour un large aperçu, on se reportera au témoignage de l’Ensemble Sonnerie (Virgin, août 1995). Le CD a pourtant opté pour la flûte à bec, au travers de quelques instruments de la collection personnelle de Julia Fritz (dommage que la notice n’en dise mot), adaptés au diapason de l’orgue Antegnati qui accompagne ce récital : un précieux vestige de la facture de la Renaissance, construit en 1565 et restauré en 2006. On l’entend en solo dans la Toccata de Rovigo récemment redécouverte dans la Bibliothèque Nationale d’Autriche, et enregistrée pour la première fois, comme bon nombre de pièces de Notari incluses dans ce disque.

La pratique de l’époque permettait d’interchanger les instruments solistes. La remarquable anthologie Passaggi de Vincent Lauzer et Mark Edwards (Atma, septembre 2012) confiait aussi à la flûte des œuvres habituellement jouées à l’archet (Berardi, Pandolfi Mealli, Schmelzer…) toutefois ce duo canadien alternait orgue et clavecin. Opter pour le seul soutien de l’orgue (et d’une harpe discrète) tend à conforter la fluide vocalité de ces œuvres, mais à en gommer les aspérités, malgré le charme épicé des tuyaux et le tempérament mésotonique. La virtuosité de Julia Fritz se coule ainsi dans un lyrisme séduisant mais peut-être un brin émollient et réducteur.

Son : 8 – Livret : 8 – Répertoire : 8-9 – Interprétation : 8,5

Christophe Steyne

 

 

 

 

 

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