Pages romantiques pour piano de Zarębski, un des élèves préférés de Liszt

par

Juliusz Zarębski (1854-1885). Œuvres complètes, volume 5 : Grande Fantaisie ; Pièce sans titre ; Les Arbres nouvellement fleuris ; Andante ma non troppo ; Romance sans paroles ; Ouverture de l’opéra « Maria » d’après Malczewski, pour piano à quatre mains ; Adieu. Piotr Salajczyk et Grzegorz Biegas, piano ; Joanna Freszel, soprano. 2022. Notice en polonais et en anglais. 57.29. Dux 1972.

Le présent album, consacré aux œuvres pianistiques sans numéro d’opus du Polonais Julius Zarębski, vient s’ajouter chez Dux à quatre parutions antérieures, réunies en un coffret (Dux 1181-1184). Ce natif de Jytomyr, ville aujourd’hui ukrainienne, à 130 kilomètres de Kiev, quitte son milieu familial en 1870 pour le Conservatoire de Vienne puis, en 1873, pour celui de Saint-Pétersbourg. Il donne des concerts à Kiev et à Odessa. Au début de 1874, il se perfectionne auprès de Liszt à Pest, Weimar et Rome, et le suit pendant plus de trois ans dans divers déplacements. Liszt transcrira plus tard ses Danses galiciennes. On retrouve le jeune pianiste comme professeur au Conservatoire de Bruxelles, où officie aussi son épouse Johanna Wenzel, autre élève de Liszt. Il y acquiert une excellente réputation. Mais atteint de tuberculose, il meurt à trente et un ans, cinq mois après la création de son Quintette avec piano, son chef-d’œuvre, dont il existe notamment une version, filmée en août 2011 à Varsovie, sur un DVD édité par l’Institut Chopin.

Essentiellement pianistique, dans la ligne de Chopin et surtout de Liszt, le catalogue de Zarębski contient maintes belles pages, qui ont fait de lui un compositeur polonais important de la deuxième moitié du XIXe siècle. Ledit catalogue, publié à Poznan en 2002 par le signataire de la notice, le musicologue Ryszard Daniel Golianek, se divise en deux parties, à commencer par les œuvres, classées par ordre chronologique et par numéro d’opus, de 1 à 34 (c’est le Quintette), parues entre 1879 et 1885 chez divers éditeurs allemands. La plus connue est le cycle de cinq pièces de 1883, Les roses et les épines, op. 13 (belle version de Marian Mika chez CPO). L’autre partie du catalogue consiste en pièces non publiées et conservées dans des archives à Varsovie et à Weimar. Sept d’entre elles, des versions complètes, fruits des années 1879 à 1876, font l’objet du présent enregistrement.

Cinq pages brèves (entre quatre et six minutes chacune) ont la forme d’une romance (Andante non troppo), d’une miniature lyrique (Pièce sans titre), d’une répétition d’un passage mélodique rythmé par la main gauche (Adieu), d’un nocturne expressif presque impressionniste (Romance sans paroles) ou d’une inspiration sur des vers du poète romantique Adam Mickiewicz (1798-1855), la musique flirtant avec le kujawiak, cette danse polonaise proche de la mazurka. Ces Arbres nouvellement fleuris, dont le texte n’est pas reproduit dans la notice, sont chantés avec une jolie souplesse par la soprano Joanna Freszel. Le pianiste Piotr Salajczyk (°1982) met en valeur ces cinq pièces délicates et accompagne la cantatrice avec finesse et subtilité. 

Dans la Grande Fantaisie de 1876, aux vastes dimensions (près de vingt-deux minutes dédiées à la future épouse du compositeur), le même soliste combine une virtuosité décontractée, qui fait penser au style rhapsodique de Liszt, à des moments remplis d’émotion : un Presto agité, un Andante paisible, un Allegro rythmé et un final valeureux. C’est d’un romantisme efficace et inspiré. Le programme est complété par une ouverture solennelle pour quatre mains, qui était destinée à être orchestrée dans le cadre d’un projet d’opéra basé sur un poème épique du poète Antoni Malczewski (1793-1826), qui fut aussi un audacieux alpiniste, l’’un des premiers à gravir le Mont-Blanc. Grzegorz Biegas, qui est un chambriste de qualité, et Piotr Salaczyk donnent de cette ouverture une brillante version, bien contrastée.

Ce programme confirme que ce compositeur à approfondir est un digne représentant du romantisme. L’enregistrement a été effectué à l’Académie de Musique Szymanowski de Cracovie du 10 au 12 décembre 2022. C’est l’occasion pour Piotr Salaczyk de rendre hommage au travail du superviseur du son, Marcin Domzal. Dans une note, il précise que ce dernier a accompli une mission humanitaire en Ukraine pendant l’actuelle guerre contre la Russie, et qu’il est sans doute, à cette occasion, passé par Jytomyr, la cité natale de Zarębski, mais aussi de Sviatoslav Richter et du compositeur Boris Lyatoshynsky. Dans le cimetière de la localité, se trouvent les tombes des parents de l’ancien premier ministre et compositeur Ignacy Paderewski. Que de symboles !   

Son : 9  Notice : 9  Répertoire : 9  Interprétation : 10

Jean Lacroix

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