Patrie !

par

0126_JOKER

 

 

 

Duos extraits d’opéras romantiques français : pages de Halévy, Saint-Saëns, Massenet, Gounod, Paladilhe et Thomas
Hjördis THEBAULT (soprano), Pierre-Yves PRUVOT (baryton), Orchestre Philharmonique de Kosice, dir. : Didier TALPAIN
2012-DDD-66’ 36’’- Notice en français et en anglais - chanté en français - Brilliant Classics 94321
Voici une parution remarquable, une véritable leçon de chant au service du répertoire français méconnu.
Par les interprètes tout d’abord, qui tous deux disposent de la puissance et de l’éclat indispensable à ces oeuvres négligées par manque sans doute de chanteurs adéquats. Hjördis Thébault possède cette voix de “Falcon”, soprano dramatique au grave puissant, caractéristique du Grand Opéra Français. Pierre-Yves Pruvot, lui, se montre le digne héritier de la tradition des barytons héroïques et s’inscrit dignement aux côtés de ses confrères Fondary ou Rouillon, par exemple. Grâce à ces chanteurs d’exception, à leur talent, et à leur parfaite articulation, le répertoire français romantique est porté ici à sa plus grande incandescence, parfaitement soutenu par l’orchestre de Kosice sous la direction grandiose de Didier Talpain, auteur en outre de la passionnante notice d’introduction. Le duo entre Charles VI et sa maîtresse Odette, dans l’opéra Charles VI d’Halévy, durant lequel le pauvre roi fou rejoue la bataille d’Azincourt aux cartes, donne d’emblée le ton. Autre roi pathétique, Henry VIII, dans l’opéra éponyme de Saint-Saëns, menace sa première épouse, Catherine d’Aragon : “ Où voulez-vous en venir ? Moi ? A rien…Catherine chérie… ”  Quelle tension ! Leur duo donne froid dans le dos. Quant à l’entretien entre le fier Sévère et l’amoureuse Pauline dans le Polyeucte de Gounod, page sans doute la plus expressive de cet opéra malchanceux, il séduit par la grandeur du propos, subtilement contrepointé par l’incomparable tendresse mélodique du musicien. Deux extraits tranchent au milieu de ces déchaînements dramatiques. L’un provient de l’oratorio Eve de Massenet : un beau prélude avec saxophone obligé annonce un magnifique duo de passion intense. L’autre émane d’un… opéra-comique, Le Caïd, premier succès scénique d’Ambroise Thomas, à la délicate ambiance orientalisante. Patrie ! d’Emile Paladilhe (1886) passe souvent pour le dernier exemple de “grand opéra” à la française avec la Salammbô d’Ernest Reyer (1890). Ce très jeune lauréat du Concours du Prix de Rome connut, avec cette oeuvre se déroulant dans la Flandre occupée par Philippe II (livret de Victorien Sardou), une gloire immédiate et immense avant de tomber dans un oubli total. Le bref duo enregistré, très violent, fait espérer une exécution intégrale de cet opéra d’une belle force dramatique. Ce CD au programme exceptionnel se termine par un très large fragment du deuxième acte de l’opéra de Massenet, Le Mage, créé sans succès en 1891, malgré une mise en scène grandiose. Il est à peine croyable que cet opéra, situé entre Esclarmonde et Werther, n’ait jamais fait l’objet d’une reprise. A entendre un air pour ténor enregistré par Rolando Villazon (DG), puis le présent air de la soprano suivi d’un duo vengeur avec son père, on ne peut que s’incliner devant l’art de Massenet à son apogée. Sa science de l’orchestration brille aussi d’un éclat tout particulier. Il est à noter que l’opéra sera repris intégralement, en concer, au Festival de Saint-Etienne ces 9 et 11 novembre prochain. L’heure de la résurrection aurait-elle enfin sonné pour cet opéra maudit par le sort ? Voici donc un CD tout à fait unique, à recommander bien sûr aux amateurs de chant français, mais surtout à ceux qui douteraient encore de la grandeur d’un répertoire essentiel dans l’histoire de la musique lyrique au 19e siècle. Un détail, mais d’importance: les sept duos de ce CD sont tous visibles sur YouTube en demandant  le titre de l’oeuvre.
Bruno Peeters
Son : 10 - Livret : 10 - Répertoire : 10 - Interprétation : 10

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