Pour découvrir un Meyerbeer inattendu

par

Giacomo MEYERBEER (1791-1864)
Mélodies
Andrea Chudak (soprano), Andreas Schulz (piano)
2014-DDD-78' 10''-Notice en allemand et en anglais-chanté en français, italien et allemand-Antes Edition BM 319294

Les mélodies de Meyerbeer ne sont pas inconnues. Déjà Dietrich Fischer-Dieskau, Alain Vanzo ou Thomas Hampson leur avaient dédié un récital. Et en 2009, la soprano israélienne Sivan Rotem leur consacrait tout un CD (Naxos). Compositeur polyglotte, Meyerbeer, en vrai européen, a écrit ses opéras en allemand, italien puis français. Ce cosmopolitisme se retrouve dans ses lieder/canzoni/mélodies. Là où Rotem regroupait les oeuvres en trois séries, d'après la langue des poèmes,  Chudak adopte un simple ordre chronologique. De 1829 à 1847 s'échelonnent ainsi 25 mélodies très différentes de ton, d'ambiance et de style. L'écoute successive en est dès lors agréable, les climats étant variés. Bien sûr, certaines de ces pages sont datées, surtout par les textes, parfois anodins. Meyerbeer n'oublie pas qu'il est musicien d'opéra avant tout, et La Ricordanze, Chant de mai, A une jeune fille, Canzona, Luft von Morgen ou la Sicilienne nous le rappellent. Mais l'ensemble de ces mélodies contient d'autres gemmes, qui font découvrir un musicien bien éloigné des Huguenots. Une série entière dévoile un côté mélodique charmeur, qui annonce déjà Gounod : Nella, par exemple, au charme immédiat, Le Baptème, Gottergebenheit, ou  Sur le bacon, à la ligne très pure et loin de toute effusion dramatique. Encore plus étonnant, d'autres font appel à un sens romantique ému, que l'on attendait pas du tout de l'auteur du Prophète. Je signale en particulier Le Voeu pendant l'orage, véritable ballade évocatrice, la déploration funèbre de La Folle de Saint-Joseph, Suleika (d'après Goethe) ou Sonntagslied, qui rejoignent la simplicité désarmante de Schubert. On le voit, ces 25 mélodies sont infiniment plus riches que l'on ne pourrait croire, et l'auditeur va de découverte en découverte. L'accompagnement d'Andreas Schulz est parfait, souvent très brillant (Ballade, La Fille de l'Air, Meerestille). En quelque sorte, ce CD complète de manière idéale le récital de Silvan Rotem, avec lequel il a huit mélodies en commun. Faut-il comparer les deux chanteuses ? Peut-être pourrait-on dire que la voix de Rotem est plus charnue, plus dramatique aussi, mais parfois maniérée.  Celle de Chudak est plus simple, assez pointue, mais plus respectueuse de la ligne vocale. Les deux CD sont passionnants, et les admirateurs de Meyerbeer les thésauriseront tous deux.
Bruno Peeters

Son 9 - Livret 8 - Répertoire 9 - Interprétation 10

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