Rare et superbe butin dans la floraison du madrigal émanée des anciens Pays-Bas méridionaux

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Si Breve è’l Tempo. Œuvres de Giovanni de Macque (c1550-1614), Peter Philips (c1560-1628), Andrea Gabrieli (1533-1585), Séverin Cornet (c1530-1582), Jean de Turnhout (c1550-1614), Andreas Pevernage (c1542-1591), Cornelis Verdonck (1563-1625), Luca Marenzio (1553-1599), Jean Desquesnes (fl. 1590), René del Mel (c1554-1598), Alessandro Striggio (1540-1592), Jean de Castro (c1540-c1600), Roland de Lassus (1532-1594), Giovanni Pierluigi da Palestrina (1525-1594). La Compagnia del Madrigale. Rossana Bertini, Francesca Cassinari, Alena Dantcheva, soprano. Elena Carzaniga, Annalisa Mazzoni, alto. Giuseppe Maletto, Raffaele Giordani, ténor. Guglielmo Buonsanti, Matteo Bellotto, basse. Livret en français, néerlandais, anglais, allemand ; paroles des chants en langue originale et traduction quadrilingue. Octobre 2023. 64’38’’. Musique en Wallonie MEW 2410

Dans la foulée du festival liégeois Les Nuits de Septembre en 2019, et résultat d’un érudite recherche poético-musicologique, le disque illustre « un échantillon en forme de paysage sonore des différentes dynamiques actives au sein du madrigal anversois ». Bouillonnant foyer d’édition musicale, grâce aux ateliers de Jean Bellère, Pierre Phalèse, ou Christophe Plantin qui avait racheté les presses de Tielman Susato, la cité vit fleurir au crépuscule de la Renaissance (1555-1620) plus de quatre-vingt-cinq volumes dédiés à cette forme vocale native d’Italie. Reflet de cette origine transalpine, le programme inclut quelques ultramontains comme Giovanni Pierluigi da Palestrina, Andrea Gabrieli, Giovanni de Macque, Alessandro Striggio et Luca Marenzio, et s’ouvre aussi à des exilés qui trouvèrent refuge à Anvers, comme Peter Philips venu d’Angleterre.

Au demeurant, la force de ce projet est de mettre en lumière des compositeurs locaux, dont certains ne mirent jamais les pieds en Italie. Outre les compilations de plusieurs auteurs, certains s’affirment dans des recueils qui leur furent entièrement consacrés. Ainsi en 1581 Séverin Cornet, dans une veine classique ou expérimentale (Ite, caldi sospiri), savante ou inspirée du genre populaire de la villanelle, quand il ne s’ingénie pas à revisiter de célèbres modèles comme Anchor che col partire de Cypriano de Rore.

Suivront en deux décennies les impressions dédiées à René del Mel, Jean de Castro, Jean de Turnhout, Jean Desquesnes, et Cornelis Verdonck, disciple de Cornet et témoin d’un renouveau post-pétrarquiste. Ou encore Andreas Pevernage, fin connaisseur des polyphonies vénitiennes, qui publia une anthologie où ses propres pièces, comme Amorose faville, voisinent avec celles d’une trentaine de confrères.

On saluera l’intérêt et la rareté de cette sélection, adroitement valorisée, offrant à la plupart de ces madrigaux leur tout premier enregistrement. La variété des configurations vocales, l’expertise d’une équipe de longue date habituée à entrelacer mots et leur miroir lyrique engendrent un récital de la plus haute exigence interprétative. On y admirera l’impressionnante science des couleurs, le dosage des impulsions, une sensibilité toujours en éveil. Loin d’infliger une écoute polie ou une découverte didactique de second rayon, le répertoire méritait l’exhumation, surtout quand elle se magnifie par cette captivante mise en perspective.

Christophe Steyne

Son : 9 – Livret : 10 – Répertoire : 9-10 – Interprétation : 10

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