Rencontre avec Marc Bouchkov au retour de Montréal
Ce dimanche 19 mai 2013, le tout récent premier prix du Concours International de Montréal s'est produit sur la scène du Palais des Beaux-Arts. Son avion a atterri à 9h soit deux heures avant le concert mais, malgré la fatigue, Bouchkov a joué avec talent et générosité !
Accompagné au piano par son ami Georgiy Dubko, le jeune musicien nous a offert un beau récital assurant un équilibre entre les incontournables et des oeuvres en dehors des sentiers battus.
Il commence sa prestation seul, avec la très belle Sonate n°5 op.27/5 pour violon seul d'Eugène Ysaÿe (1858-1931). Il fait preuve d'une maîtrise de bout à bout. Justesse, beauté et luminosité du son, il nous raconte cette sonate « pastorale » avec beaucoup de couleurs et de virtuosité. La danse rustique est énergique et pleine de vivacité rythmique. Il poursuit avec Poême, op. 25 de Ernest Chausson (1855-1899) et Tzigane, rapsodie de concert pour violon et piano de Maurice Ravel (1875-1937).
Il construit ses interprétations avec beaucoup d'intelligence, un lyrisme généreux mais toujours juste et touchant. L'oeuvre suivante est particulièrement attendue car il s'agit d'une oeuvre écrite par Bouchkov lui-même. Facets, op.1 s'inscrit parfaitement dans le programme car l'influence de la musique française y est évidente. Le public apprécie les harmonies post-impressionistes et le lyrisme du violon. La partition assure un équilibre entre les deux musiciens et le sens de la forme y est remarquable. Le violoniste-compositeur joue avec les différentes couleurs de l'instrument en se servant aussi d'un micro. Il obtient ainsi divers effets sonores alternant son acoustique et son amplifié. C'est Jahrmarkt Suite de Leon Gurvitch qui clôture la prestation. Ce musicien compositeur est essentiellement actif dans le domaine du jazz et de la musique du monde, particulièrement la musique klezmer. En abordant son répertoire, le jeune violoniste belge démontre sa volonté d'ouvrir les programmes de concert à d'autres genres. L'oeuvre est brillante, d'une rythmique endiablée aux accents jazz et funk et laisse une certaine place à l'improvisation.
- Marc Bouchkov, vous semblez avoir parfaitement digéré le décalage horaire entre Montréal et Bruxelles. Est-ce une question d'adrénaline ou suivez-vous une préparation physique particulière ?
C'est avant tout une question de mental ! C'est dans la tête, je me dis que je dois jouer alors je le fais ! D'autant plus que je n'ai pas joué dernièrement ce programme de concert. C'est essentiellement une question de mental et de concentration.
- Toutes mes félicitations pour votre premier prix à Montréal. Comment avez-vous vécu ce concours ?
Tout s'est très bien passé. Nous étions dans des conditions idéales. J'ai pu apprécié le cadre de travail, la salle, l'orchestre et aussi les familles d'accueil ! Je n'avais pas connu cet aspect-là du concours Reine Elizabeth puisque je rentrais à la maison ! Le concours à Montréal est plus court. Il ne dure que deux semaines. C'est donc particulièrement difficile car c'est plus dense et les prestations s'enchainent plus vite.
- Vous avez dû jouer une oeuvre imposée du compositeur canadien Jean Lesage. Le connaissiez-vous ?
Non. L'oeuvre est intéressante mais il est difficile d'aborder une oeuvre contemporaine sans pouvoir la travailler avec le compositeur et sans pouvoir lui demander ce qu'il veut dire, ce qu'il veut transmettre. Nous n'avons pas beaucoup de temps et donc c'est compliqué d'en donner une exécution aboutie. Vous pouvez tourner en rond et chercher très longtemps ce que vous allez faire. Le problème lors d'un concours, c'est que nous n'avons pas tout ce temps. D'ailleurs, à propos d'oeuvre imposée, j'ai exécuté à nouveau à Montréal l'oeuvre de Victor Kissine que nous avions dû jouer en demi-finale du concours Reine Elisabeth.
- D'une manière générale, sentez-vous une évolution importante entre ces deux concours séparés de douze mois ?
Pas tellement d'un point de vue technique. La technique ne peut pas évoluer beaucoup en si peu de temps mais bien du point de vue de la maturité. Le concours Reine Elisabeth m'a apporté énormément. Il m'a permis d'accumuler beaucoup de métier et d'expériences. C'est grâce à cela que j'ai pu remporter le premier prix à Montréal. J'ai pu aborder ce concours non pas comme un concours mais comme des concerts !
- Nous avons découvert un Marc Bouchkov compositeur ! Votre premier opus est influencé par l'impressionisme et la musique française !
Oui, mais j'ajouterais aussi une nette influence des harmonies d'Ernest Bloch
- Avez-vous déjà d'autres partitions dans vos cartons ?
J'ai plutôt des projets d'arrangements. J'aimerais arranger des oeuvres orchestrales pour les jouer en sonate.
- Parlez-nous de Leon Gurvitch.
J'avais joué une de ses oeuvres en concert et il m'a contacté parce qu'il souhaitait travailler avec moi. Le courant est passé très vite. Nous nous sommes compris car nous partageons les mêmes origines ukrainiennes, biélorusses et juives. J'ai toujours adoré le jazz et j'ai toujours admiré ces musiciens qui improvisent. J'ai moi-même beaucoup de plaisir lorsque j'improvise et cela permet de me détendre. J'aime beaucoup les styles de musique qui laissent une place à l'improvisation comme le jazz et la musique klezmer et je souhaite vraiment ouvrir les programmes de concert à d'autres styles.
- Avez-vous des projets discographiques prochainement ?
Nous devons vraiment nous y atteler avec mon ami Georgiy Dubko pour enregistrer en sonate. C'est en lien direct avec les projets d'arrangements que je souhaiterais enregistrer !
Nous pouvons nous en réjouir car assurément, sympathique et talentueux, Marc Bouchkov occupera une place de choix dans le paysage musical belge et international dans les années à venir.
Propos recueillis par Michel Lambert
Bruxelles, le 19 mai 2013
Ce jeudi 23 mai, à 20h sur Musiq'3, retransmission des prestations de Marc Bouchkov en demi-finale et en finale du Concours International de Montréal