Lulu au Festival de Salzburg : une version époustouflante

par

Alban Berg (1885 - 1935)
Lulu, opéra en trois actes terminé par Friedrich Cerha

Patricia Petibon – Tanja Ariane Baumgartner – Pavol Breslik – Cora Burggraaf – Michael Volle - ,Thomas Piffka – Franz Grundheber – Thomas Johannes Mayer – Heinz Zednik – Andreas Conrad – Martin Tzonev – Emilie Pictet – Cornelia Wulkopf, Wiener Philharmoniker, Marc Albrecht, direction
2012 – 173’ – 2 DVD – PCM Stereo DD 5.0, DTS 5.0 – NTSC 16:9, Menu en anglais, sous-titres en Anglais, Allemand, Français, Italien, Chinois, Japonais, Coréen – EuroArts, Unitel Classica - 2072568

Distribution exceptionnelle pour la parution de Lulu de Berg par Unitel Classica. Sous la direction de Marc Albrecht, les musiciens du Wiener Philharmoniker démontrent une maitrise impressionnante de la musique de Berg. Patricia Petibon intègre quant à elle le rôle de Lulu à merveille. A l’aise dans la musique du compositeur de Vienne, elle parvient à entrer avec aisance dans la mise en scène de Vera Nemirova qui, très épurée semble avoir été conçue pour elle. Nemirova propose une mise en scène claire et sobre, dans les tons blancs et rouges. En fond, le portrait de Lulu, ce leitmotiv apparaissant à plusieurs reprises dans l’opéra. Son rétrécissement à la fin de l’œuvre semble symboliser la chute morale et sociale de Lulu, ce personnage si piquant, si mal dans son corps dont les cheveux ici ruissèlent de sang. Par ailleurs, l’aspect « brouillon » voulu sans doute par le metteur en scène offre une scène dépouillée avec seulement quelques objets qui ponctuent la mise en espace. Aussi, beaucoup d’autres points symboliques sont mis en avant tels que la bague qui se transmet d’amant en amant que Lulu s’empresse de prendre aux dépouilles pour l’offrir à sa nouvelle amourette ou encore la peinture rouge qui s’affiche sur plusieurs costumes et qui incarne clairement le sang. La mise en scène pousse même les chanteurs à jouer dans le public, invitant de cette manière le spectateur à participer à l’opéra de telle manière que le rapport orchestre/solistes se complique mais offrant une mise en espace exceptionnelle. Aussi, suivant la trame historique, les couleurs s’assombriront, point qui accentue le dramatisme. Les costumes sont basiques et modernes sauf pour Patricia Petibon qui à plusieurs reprises se retrouve en sous-vêtements, en maillot ou juste vêtue d’une chemise. Des ailes d’anges lui sont accrochées au début de l’œuvre, certainement pour représenter une Lulu naïve et délicate tel un trompe-l’œil. Chaque acteur incarne son rôle avec maîtrise et justesse. Le docteur Schön (Michael Volle) déconcerté face à Lulu avant son mariage est très expressif et n’hésite pas à exagérer ce côté isolé et perdu. Les qualités scéniques et vocales de Schigolch, du peintre et de l’acrobate sont aussi exceptionnelles. Désemparé face aux révélations qui lui sont faites sur Lulu, Pavol Breslik (le peintre) est irréprochable dans l’angoisse et la panique. Mais c’est surtout la maîtrise de Petibon qui nous enchante ici. Tant du point de vue physique que musical, elle contrôle chaque mouvement, chaque geste sans surenchère. Sa technique vocale est parfaite, sa justesse aussi. Son regard nous pénètre jusqu’à nous mettre mal à l’aise, ce qui montre sa compréhension de l’œuvre. Tout cela étant entouré d’une phalange orchestrale extraordinaire dont le chef, énergique travaille sur les contours mélodiques et rythmiques. Albrecht prend le temps de faire sonner quelques dissonances et sa connaissance de la partition introduit un dialogue édifiant entre solistes et orchestre. Cette production datant de 2010 au Festival de Salzburg est une réussite. Aucune vulgarité, une mise en scène originale et une distribution de choix. Pour les amateurs de Berg, voici une version moderne mais respectant les normes de l’opéra. Pour les mélomanes, voilà une belle introduction à la musique de la seconde école de Vienne. Seul bémol, la brochure, très courte sans réel intérêt.
Ayrton Desimpelaere
Son 10 – Livret 05 – Répertoire 10 – Interprétation 10

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