Soirée Joséphine Baker au TCE
La saison danse du Théâtre des Champs Elysées s’est ouverte le mercredi 24 septembre avec un programme autour de Joséphine Baker pour le centième anniversaire de sa première apparition parisienne (lors de la Revue Negre) sur cette scène art déco. Cette occasion, plus joyeuse que le cinquantenaire de sa disparition permet de célébrer cette femme. Si le Sacre du printemps de Pina Bausch peut paraître éloigné de la figure des années folles, la création Joséphine par Germaine Acogny fait vivre sa mémoire.
Qui d’autre que Germaine pour Joséphine ?
Germaine Acogny, danseuse et chorégraphe de 81 ans est une figure de la danse contemporaine africaine. On ne pouvait pas rêver mieux que cette femme pour réenchanter la vie de Joséphine Baker.
Germaine Acogny est une grande pédagogue et fut directrice de plusieurs écoles d’envergure mondiale (Mudra Afrique, créé par Béjart, puis l’Ecole des Sables qu’elle a fondée en 1998 près de Dakar). Dans une démarche humaniste, Joséphine Baker adopta 12 enfants de différentes origines, qu’elle surnomma affectueusement “la tribu arc en ciel”. Germaine Acogny est une femme libre et indépendante, comme en témoigne sa vie privée (elle refuse la polygamie de son mari et élève seule ses deux premiers enfants).
Joséphine fut l’une des premières artistes noires à connaître un tel succès en Europe, figure de la Résistance et connue pour ses combats pour l’égalité et contre le racisme elle repose désormais au Panthéon.
Joséphine par Germaine Acogny
Pour cette création, Germaine Acogny ne cherche pas à imiter Joséphine Baker, mais elle l’invoque et l’évoque sur scène pour la faire revivre devant nos yeux ébahis.
La mise en scène de Mikaël Serre est un atout précieux pour recréer l’ambiance des années folles à l’instar de cette porte entourée d’ampoules jaunes qui rappelle les loges des théâtres. Chaque évocation est subtile et évite le cliché, la ceinture de banane est remplacée par une Germaine Acogny qui jette ce fruit.
Une voix off ponctue la performance pour rappeler les combats anti-racistes de Joséphine.
La chorégraphie de Germaine Acogny qui a été accompagnée par Alesandra Seutin (une ancienne élève de l’école des sables) est minimaliste mais vecteur puissant d’émotion. L’expressivité se ressent jusqu’au bout des doigts. Joséphine, immortelle, revit dans le corps de Germaine.
Le Sacre du printemps
Après l’entracte, surtout nécessaire pour installer la terre, place au Sacre du printemps, mythique chorégraphie de Pina Bausch.
Le lien entre Joséphine et le Sacre est un peu plus distendu (la modernité du 20eme siècle est évoquée), mais est davantage relié à Germaine. En effet, de nombreux sablistes (anciens élèves de cette formation mythique créée par elle) sont désormais danseurs professionnels, et nous en retrouvons certains dans cette deuxième partie. Quelle joie d’entendre ce chef d'œuvre de Stravinsky joué en live par l’orchestre Les Siècles !
Si la synchronicité des interprètes est remarquable, les danseuses restent un peu trop classiques dans leurs ports de bras, voulant trop bien faire. Peu à peu, la fatigue fait son travail et les corps se relâchent, le moment de panique avant la désignation de l’élue marque un tournant. Le passage où les femmes sautent pour s'asseoir sur les épaules des hommes est toujours aussi spectaculaire. L’émotion de cette danse sacrificielle est intacte et le public se lève pour ovationner les interprètes de cette soirée qui promet une belle saison de danse au TCE.
Paris, Théâtre des Champs Elysées, 24 septembre 2025
Crédits photographiques : Théâtre des Champs-Elysées