Subtile illustration de l’influence madrigalesque sur Coprario et les compositeurs anglais de son temps

par

Parrot or ingenious parodist?  Oeuvres de : John Coprario (c1570-1626), Alfonso Ferrabosco (1543-1588), Giovanni Pierluigi da Palestrina (c1525-1595), John Ward (1571-1638), Thomas Lupo (1571-1627), Giovanni De Macque (c1548-1614), Claudio Monteverdi (c1567-1643), Richard Mico (1590-1661),  Luca Marenzio (1553-1599), .Felice Anerio (1560-1640), Thomas Morley (1557-1602) et Baldassare Donato (c1530-1603) et Orazio Vecchi (1550-1605). Pluto-Ensemble. Hannah Morrison, Lieselot De Wilde, soprano. Marnix De Cat, altus. Hugo Hymas, Tore Denys, tenor. Harry van der Kamp, basse. Hathor Consort. Romina Lischka, Liam Fennelly, Thomas Baeté, Irene Klein, Joshua Cheatham, Nicholas Milne, violes. Novembre 2020. Livret en anglais, français, allemand (paroles traduites en anglais). TT 51’00. Ramée RAM 2107.

Le titre de l’album (perroquet ou ingénieux parodiste ?), sa couverture (reproduction d’une coupe psittacomorphe en vermeil) et la notice semblent faire grand cas du procédé d’emprunt qui caractériserait John Coprario. Cette accroche relève plutôt d’un angle éditorial et programmatique, car la pratique ne singularise pas ce compositeur anglais mais s’avère un des modes fondamentaux de production musicale à la Renaissance. Dans le genre sacré, que l’on pense aux nombreuses messes-parodies ou messes-paraphrases. Dans le champ littéraire, l’antiquité latine actualisait déjà la culture grecque, par imitatio, aemulatio ou retractatio. Le concept de création ex nihilo, d’individualisation de l’œuvre, la notion d’auteur (et les droits afférents) n’émergeront que bien plus tard, notamment avec la personnification du compositeur romantique.

Le fluctuant patronyme de Coprario (alias Cowper, Cooper) et les multiples graphies de son prénom (John, Giovanni) nous rappellent l’influence de l’Italie où il séjourna probablement, et dont les madrigaux étaient en vogue depuis le règne d’Elizabeth I (1533-1603) et sous la fertilisante entremise d’Alfonso Ferrabosco l’ancien, né à Bologne et actif au service de la reine. « Les compositeurs anglais s’inspirèrent des modèles italiens et transposèrent en anglais le madrigal et ses spécificités, composèrent leurs propres madrigaux ou adaptèrent des textes anglais aux madrigaux italiens » résume le livret.

Le CD exploite ce creuset, entrecroise créations vocales d’origine transalpine (Palestrina, De Macque, Monteverdi, Marenzio…) et leurs épigones insulaires. Les chants jouxtent des arrangements instrumentaux à la viole, permettant de constater le travail d’adaptation du substrat polyphonique. Certains morceaux prévoient une exécution conjointe, par exemple le Gitene Ninfe (« per sonare e cantare insieme ») et O che vezzosa Aurora d’Orazio Vecchi ; l’on peut apprécier en plages 17-18 les Fantasias que déclinèrent respectivement Coprario et Thomas Lupo, un des principaux violistes sous l’ère élisabéthaine et jacobéenne. Le parcours se referme sur un binôme a cappella puis mixte : le dolent O voi che sospiratea miglior note de Marenzio, chargé de chromatismes, puis son adaptation par Coprario, pour violes et voix, non moins troublante et épicée.

L’équipe vocale du Pluto-Ensemble s’unit ici au groupe d’archets du Hathor Consort mené par Romina Lischka, au sein d’un voyage plutôt bref (cinquante minutes) mais admirablement ciselé. On peut savourer cet entretoisement comme un délicat précipité. L’interprétation distille exquisément les jeux de miroir auxquels se livrèrent les compositeurs de la Renaissance anglaise, notamment autour de leur format de prédilection : le consort de violes. Une acclimatation qui signe aussi la douce manière d’Outre-Manche, ainsi la Fantasia de Thomas Morley, tuilant avec art la Caggia de Felice Anerio.

Christophe Steyne

Son : 8,5 – Livret : 8 – Répertoire : 8-9 – Interprétation : 9,5

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