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Gabriele Bonolis, à propos de Bruno Maderna

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Gabriele Bonolis, compositeur, chef d’orchestre et violoncelliste italien fait paraître un album entièrement consacré à des œuvres de Bruno Maderna (Dynamic), autre grand compositeur et chef d’orchestre qui a marqué l’Histoire de la musique. L’excellence de cet enregistrement, qui fera date dans notre appréciation de l’art de Bruno Maderna, nous a donné envie d’en parler avec le musicien.

Que représente pour vous la figure de Bruno Maderna? 

Jeune étudiant au Conservatoire, j'ai toujours été attiré par la figure de ce musicien singulier, amateur de musique mais aussi de bonne chère et de bon vin. Maderna m'est toujours apparu comme un explorateur intrépide dans le domaine musical, à l'image de figures comme Ferdinand Magellan ou Adrien de Gerlache qui ont consacré leur vie à la découverte de notre planète ; c'était une recherche large, personnelle et imparable entre la musique de répertoire (notamment en tant que chef d’orchestre) et la Nouvelle Musique (en tant que compositeur et professeur). Souvent, je l'imagine engagé avec les machines complexes du Studio di Fonologia de Milan soutenu par la RAI : une sorte d'expert manipulateur de l'alchimie sonore flanqué d’un autre grand gourou d'avant-garde, Luciano Berio, avec qui il partageait des passions et une grande amitié. Il existe un témoignage poétique de l'écrivain Gianni Rodari -né la même année que Maderna, en 1920- où l'on imagine une "maison musicale" dans laquelle se trouve également Bruno Maderna: "Voici la maison en musique. Elle est faite de briques musicales, de pierres musicales. Ses parois, frappées à coups de marteaux, font toutes les notes possibles. Je sais qu'il y a un do dièse au-dessus du canapé, le fa le plus aigu est sous la fenêtre, le sol est tout en si bémol majeur, une tonalité excitante. Il existe un merveilleux portail électronique atonal, sériel : il suffit de le toucher avec vos doigts pour en extraire tous les trucs de Nono-Berio-Maderna. Pour faire délirer Stockhausen [...]»

Bernd Alois Zimmermann (1918-1970)

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Bernd Alois Zimmermann est un météore musical du XXe siècle. Figure singulière, au destin tragique à l’instar de celui de Marie, l’héroïne de son opéra Die Soldaten, épris d’absolu et de perfection, tourmenté par une jeunesse hitlérienne vécue malgré lui, il se suicide à l’âge de 52 ans.

 Le destin semble vouloir effacer les traces de BA Zimmermann, les lieux symboliques de son état civil n’ont plus d’existence administrative officielle. Sa ville de naissance, Bliesheim, située dans la banlieue ouvrière de Cologne, change de nom suite à une fusion urbaine en 1969, devenant la nouvelle ville de Erfstadt. Son lieu de décès, Königsdorf, fusionne avec la ville de Freschel en 1975.

BA Zimmermann est né le 20 mars 1918 dans l’Eifel, massif semi-montagneux de la rive droite du Rhin en Rhénanie (qui fait partie des Montagnes d’ardoises, série de massifs de basse altitude qui part de la rive gauche du Rhin et se prolongent jusqu’aux Ardennes), région longtemps pauvre qui subit de multiples famines au XIXe siècle. Proche du Luxembourg, de la Belgique et de la France, l’Eifel connait un développement soudain sous le IIe Reich avec une industrialisation massive et la création de multiples lignes de chemin de fer. Cette proximité frontalière fait que cette zone a particulièrement souffert lors des deux conflits mondiaux. 

Fils d’un fonctionnaire de la Reichsbahn (société impériale des chemins de fer), le jeune Zimmermann subit comme tous ses compatriotes l’occupation française de la Rhénanie de 1918 à 1923. Elevé dans une famille catholique fervente, il suit une éducation stricte en pensionnat au Monastère de Steinfeld, tenu par les Salvatoriens, ordre monastique de création récente (1881 par le père Franziskus Maria von Kreuz Jordan et la Baronne, devenue Abbesse Theresa von Wüllenweber, béatifiée par Paul VI en 1968). Il y reçoit un enseignement académique particulièrement axé sur la littérature et la musique. Isolé du monde dans ce monastère, il n’est pas témoin des divers soubresauts et manifestations de la République de Weimar, ni des tentatives de coup d’état des Spartakistes comme des Nationaux-Socialistes ou de l’accession au pouvoir d’Hitler.