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Acis & Galatea : Garciá-Alarcón révèle les multiples facettes d’un Haendel étincelant

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C’était la fête vendredi soir au Grand Manège de Namur. On célébrait le 20e anniversaire de la Cappella Mediterranea, le fidèle ensemble instrumental qui accompagne Leonardo García Alarcón au gré de ses multiples aventures.

Acis & Galatea, un hit du XVIIIe siècle

Au programme, Acis & Galatea, une pastorale devenue un tube, joué près de 70 fois dans l’Angleterre du XVIIIe siècle. Un thème tiré d’Ovide que le compositeur avait déjà utilisé à Naples en 1708 sous le titre de Acis, Galatea e Poliferno pour une cantate d’une virtuosité très méridionale. Neuf ans plus tard, Haendel, désormais installé en Angleterre goûte les plaisirs de la campagne dans la fastueuse propriété du duc de Chandos. Il y écrivit ses fameux « Chandos anthems », plusieurs concertos et deux opéras. Loin de la turbulence éprouvante des opéras italiens sur la place de Londres, Haendel peut créer dans les jardins du château une délicate pastorale inspirant les sentiments les plus doux et les décisions les plus nobles. En soi, ce chef d’œuvre savamment ouvragé constitue un somptueux « air du catalogue » de ses possibilités d’écriture : influences italiennes et françaises inscrites dans une tradition anglaise qui remonte à Purcell. Il suffit d’y puiser ses affects pour incarner les multiples sentiments qui jalonnent de délicieux parcours amoureux. Grâce ensorcelante des pâturages, délicieux gazouillis des oiseaux, mélancolie inquiète d’Acis face à l’absence de son amoureux, amour éperdu d’Acis qui supporte mal celle de son aimée, insensible aux appels à la raison de son ami Damon, unisson chaleureux des retrouvailles en conjonctions avec la nature.

La Cappella Mediterranea fête ses 20 ans à Ambronay

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Pour sa 46e édition, réduite à trois week-ends au lieu de quatre, l’un des moments forts du 2e week-end fut sans conteste le 20e anniversaire de La Cappella Mediterranea. Le public, témoin de l’évolution de l’ensemble et de son chef fondateur Leonardo García Alarcón, a accueilli avec enthousiasme deux concerts — Acis et Galatée de Haendel et le programme « Le donne di Cavalli » — ainsi qu’une exposition photographique.

Acis et Galatée énergique et émouvant

Le premier concert, dans la soirée du samedi 20 septembre, proposait Acis and Galatea de Haendel en version de concert. Lors de sa brève allocution de présentation, Isabelle Battioni, directrice du Festival d’Ambronay, interroge : « Jusqu’où on peut aller dans la mise en espace dans une église ? » En effet, l’abbatiale n’offre aux chanteurs que peu de marge. Pourtant, les artistes ont su trouver une multitude de façons d’exploiter cet espace. Selon les scènes, ils chantent dans les nefs latérales et se déplacent devant et au pied de la scène (Acis dans « Love in her Eyes sits playing »), ou encore évoluent derrière l’orchestre (Damon dans « Shepherd, what art thou pursuing? »), ainsi de suite.

La sinfonia qui ouvre la pièce est interprétée avec vivacité, et cette énergie traverse toute la soirée. C’est le cas notamment du chœur introductif « O the Pleasure of the Plains » et de l’air d’Acis « Love sounds th’Alarm » à l’acte II, dont l’élan surprend. À plusieurs reprises, Alarcón adopte un changement soudain de tempo au sein d’un même air : la partie chantée plus lente permet aux interprètes de déployer leur expressivité, tandis que la section instrumentale plus rapide relance l’action avec une théâtralité dynamique.

Parmi les chanteurs, la jeune soprano britannique Charlotte Bowden séduit par son timbre limpide, ses phrasés soignés et son assurance scénique évidente. Avec la légèreté d’une colorature alliée à la consistance d’un soprano dramatique, elle s’annonce comme une excellente mozartienne et une interprète prometteuse des héroïnes haendeliennes (cinq opéras déjà à son répertoire). Enfin, la superbe introduction du hautbois solo dans « Must I my Acis still bemoan » de Galatée, suivie du chœur, vers la fin du semi-opéra, mérite une mention particulière.

Händel, Arianna in Creta aux Innsbrucker Festwochen der Alten Musik

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« Arianna in Creta » est l’un des opéras le moins souvent joués de Händel. Si l’on fait exception de la tournée dirigée par Christophe Rousset en 2002 et des Festivals Händel de Londres et Halle en 2014 et 2018, elle n’a pratiquement pas été jouée au XXIème siècle. L'intrigue de l'opéra porte sur l'histoire mythique du tribut de sept filles et sept garçons que les Athéniens devaient offrir à Minos, roi de Crète pour servir de nourriture au Minotaure, et de la manière dont Thésée va tuer le monstre avec la complicité de son amoureuse Ariadne (fille du roi Minos enlevée dans son enfance), le guidant dans le labyrinthe. Le librettiste est inconnu et l’intrigue passe par les habituels triangles amoureux et les diverses péripéties héroïques et de Thésée et ses adversaires Crétois. 

Le célèbre castrat Senesino avait quitté la compagnie de Händel très peu de temps avant la première pour rejoindre, avec plusieurs autres membres de la troupe, l’Opera of the Nobility fondé en 1733 par le Prince de Galles. Celui-ci était dirigé musicalement par Nicola Porpora et faisait une concurrence directe à l’entreprise de Händel et son associé Johann Jakob Heidegger. Son rôle fut alors attribué au jeune Giovanni Carestini.  D’après Charles Burney, Carestini chantait et jouait avec élégance, mais sa tessiture était limitée. Seul le soprano Anna Maria Strada del Pò restera fidèle à Händel. L’Abbé Prévost décrira ainsi cette énième querelle dans la troupe du saxon : « On sait déjà que Senesino s’est brouillé irréconciliablement avec M. Händel, a formé un schisme dans la Troupe et qu’il a loué un Théâtre séparé pour lui et pour ses partisans. Les Adversaires ont fait venir les meilleures voix d’Italie ; ils se flattent de se soutenir malgré ses efforts et ceux de sa cabale ».

 À propos de l’Arianna, Burney écrit : « ses facultés d'invention et ses capacités à diversifier les accompagnements tout au long de cet opéra sont encore plus effervescents que dans tout autre drame antérieur depuis la dissolution de la Royal Academy of Music en 1728. » L’auditeur actuel rejoindra l’avis de Burney car « l’Arianna » continue de nous surprendre et fait preuve d’une inventivité musicale sans bornes. L’orchestration est tellement habile qu’il nous semble entendre bien plus d’instruments qu’elle n’en contient en réalité. 

Finale du Concours de Chant Baroque Antonio Cesti à Innsbruck

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Écouter des jeunes candidats à une carrière artistique, se présentant à l’épreuve finale d’un concours international, provoque toujours une émotion particulière. Celui d’Innsbruck a atteint en 2023 sa quatorzième année. Ce n’est pas une surprise qu’un bon nombre des participants aux productions d’opéra baroque du Festival se soient fait connaître lors d’éditions précédentes. J’avais pu écouter en 2018 la voix céleste de Marie Lys, les personnalités saillantes de Mariamelle Lamagat ou Kathrin Hottiger ou    l’envoûtant contre-ténor Cameron Shahbazi. Lors d’autres éditions, une série de noms sont apparus qui ont fait depuis les délices du public : Sophie Rennert, Ariana Venditelli ou Emilie Renard dans le récent Juditha Triumphans de ce Festival. Ou la Belge Sophie Junker, premier prix en 2012, la Hongroise Emöké Barath en 2011 ou l’Espagnole Anna Alàs, 2ème prix en 2010. Impossible donc de citer tous les excellents chanteurs dont la carrière a été épaulée à travers cette initiative. 

La soirée a commencé avec une Sinfonia d’Antonio Caldara, quelque peu accidentée mais annonçant un beau tissu harmonique que le chef Antonio Maria Errico conduit avec humour et imagination. Qualités indispensables pour mener à bon port une soirée ou la nervosité et la jeunesse des candidats peut amener quelques surprises ou improvisations imprévues. Il s’est montré tellement coopérant et créatif qu’il a été un des piliers du succès de la soirée, ensemble avec les musiciens de l’orchestre Cesti du Festival. Lors de la Finale, les candidats devaient chanter un air choisi dans l’opéra Arianna in Creta de Händel et un autre de leur choix. Si aucun air ne convenait à leur spécificité vocale, le jury pouvait admettre des airs alternatifs.