Finale du Concours de Chant Baroque Antonio Cesti à Innsbruck

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Écouter des jeunes candidats à une carrière artistique, se présentant à l’épreuve finale d’un concours international, provoque toujours une émotion particulière. Celui d’Innsbruck a atteint en 2023 sa quatorzième année. Ce n’est pas une surprise qu’un bon nombre des participants aux productions d’opéra baroque du Festival se soient fait connaître lors d’éditions précédentes. J’avais pu écouter en 2018 la voix céleste de Marie Lys, les personnalités saillantes de Mariamelle Lamagat ou Kathrin Hottiger ou    l’envoûtant contre-ténor Cameron Shahbazi. Lors d’autres éditions, une série de noms sont apparus qui ont fait depuis les délices du public : Sophie Rennert, Ariana Venditelli ou Emilie Renard dans le récent Juditha Triumphans de ce Festival. Ou la Belge Sophie Junker, premier prix en 2012, la Hongroise Emöké Barath en 2011 ou l’Espagnole Anna Alàs, 2ème prix en 2010. Impossible donc de citer tous les excellents chanteurs dont la carrière a été épaulée à travers cette initiative. 

La soirée a commencé avec une Sinfonia d’Antonio Caldara, quelque peu accidentée mais annonçant un beau tissu harmonique que le chef Antonio Maria Errico conduit avec humour et imagination. Qualités indispensables pour mener à bon port une soirée ou la nervosité et la jeunesse des candidats peut amener quelques surprises ou improvisations imprévues. Il s’est montré tellement coopérant et créatif qu’il a été un des piliers du succès de la soirée, ensemble avec les musiciens de l’orchestre Cesti du Festival. Lors de la Finale, les candidats devaient chanter un air choisi dans l’opéra Arianna in Creta de Händel et un autre de leur choix. Si aucun air ne convenait à leur spécificité vocale, le jury pouvait admettre des airs alternatifs.

Les premières interventions des candidats ne laissaient pas présager une soirée inoubliable : Rory Green ne convainc pas avec son Teuzzone de Händel et Neima Fischer se montre bien trop hésitante, malgré sa gestuelle, dans son air de Marco Antonio e Cleopatra de Hasse. Sa voix est encore loin d’avoir acquis l’indispensable soutien musculaire. Le contre-ténor italien Andrea Gavagnin donne une palette vocale nettement plus riche, mais sa prestation reste encore peu convaincante, tout comme celle de l’Allemande Maria Hegele. Avec le baryton français Alexandre Baldo, on sent un regain de vigueur : la voix est généreuse et l’engagement émotionnel est complet. Cependant, il faut déplorer trop d’inégalités et d’imprécisions dans l’émission vocale. Son air est aussi d’une grande brillance, « Volate più de’ venti » du Muzio Scevola de Händel. Pour l’anecdote, le compositeur espagnol Fernando Sor transformera ce texte vers 1820 en une brillante polonaise pour chant et piano, une rareté absolue dans la musique vocale. Viendra le tour ensuite de la Française Mathilde Ortscheid, une véritable personnalité même si sa performance purement vocale n’est pas sans faille. Elle n’est pas aidée non plus par l’air de Carilda dans Arianna in Creta : trop court, trop peu brillant. Comme quoi, on ne peut pas établir des conditions réellement équitables pour tous, tellement les voix sont différentes et ne suivent aucune norme préétablie. Ensuite, ce sera au tour du ténor français Antonin Rondepierre, une belle personnalité, bon communicateur et expressif dans sa légèreté. Nonobstant, la voix ne trouve pas encore toute la gamme d’harmoniques qu’elle aura sans doute dans le futur. La Britannique Charlotte Bowden nous offrira un très expressif « Sò che non è più mio » de Adrianna in Creta. C’est propre, les phrases bien tenues et les « messe di voce » bien réussies. Parfois quelques aigus partent à peine « in gola », mais sans conséquences majeures. Pour finir, le baryton italien Giacomo Nanni nous offre à nouveau le « Volate più de’ venti », cette fois-ci avec une maîtrise vocale bien plus convaincante et un excellent engagement émotionnel aussi. Je ne passerai pas en revue tous les airs proposés en deuxième partie, mais il faut souligner que, en général, l’anxiété de la prise de contact a cédé le pas à des performances plus accomplies, à des artistes que se sont bien mieux affirmés : Charlotte Bowden chante le même air que Neima Fischer avec une maturité qui fera pâlir sa concurrente allemande. Giacomo Nandi et Alexandre Baldo chanteront tous les deux à nouveau le même air de Teuzzone de Händel confirmant leurs qualités d’engagement pour le premier, de maîtrise pour le second. Mathilde Ortscheidt confirmera sa personnalité marquante avec, cette fois-ci, un air bien affirmé : « Ferri, ceppi, sangue, morte » de L’Incoronazione di Dario de Vivaldi, une belle manière de clore « l’été avec Vivaldi » voulu par le directeur artistique et membre du jury Alessandro de Marchi. Le verdict du jury n’a pas provoqué de grandes surprises : 1er prix à Mathilde Ortscheidt, 2è à Charlotte Bowden, 3ème à Giacomo Nandi. Et un prix d’encouragement à la très jeune Neima Fischer, probablement prometteuse mais trop scolaire à mon avis. Le public, enfin, a octroyé son prix à Alexandre Baldo et ne lui a pas tenu rigueur de ses défaillances techniques. Il reste à souhaiter à tout ce beau monde les meilleurs succès dans le futur et un devenir artistique « in crescendo »

Xavier Rivera

Innsbruck, le 27 août 2023

Crédits photographiques : © Die Fotografen

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