Mots-clé : Clara Iannotta

La Philharmonie de Paris fête les 80 ans de Péter Eötvös

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Né le 2 janvier 1944, le compositeur et chef d’orchestre hongrois Péter Eötvös a fêté au début de l’année son 80e anniversaire. Le 10 janvier dernier, la Philharmonie lui a rendu hommage avec quatre de ses compositions emblématiques.

La musique traditionnelle hongroise, Stockhausen, Bartók, le jazz sont quelques grandes influences dans la construction de la personnalité musicale de Péter Eötvös, qui a été directeur musical de l’Ensemble Intercontemporain (EIC) de 1979 à 1991. Mais avant et après tout, c’est un homme de théâtre. Les participants de la table ronde organisée avant le concert ont tous insisté sur ce point, soulignant son pragmatisme dans la réalité de production : effectif, moyen technique, aspect financier… Ce concert anniversaire fait entrevoir ces traits caractéristiques du compositeur, sous la direction magistrale de David Robertson, son successeur à l’EIC de 1992 à 1999. 

D’abord, Fermata pour quinze musiciens de 2020-2021, créé en mars 2022 à Budapest, est interprété en création française. Les quinze musiciens devraient se tenir à 1,5 mètre de distance les uns des autres, en référence aux années de la pandémie, mais ce soir-là, cette consigne n’est pas littéralement respecté, surtout pour les cuivres. Cela n’empêche aucunement le magnifique rendu des rapports sonores entre les instruments à travers les séquences qui paraissent fragmentaires (Eötvös lui-même parle du « matériel musical […] parfois réduit à un simple contraste de tons noirs et blancs - sections individuelles, sans cohérence logique »), à cause de (ou grâce à) pauses prolongées évoquées par le titre Fermata.

Adventures of the Dominant Seventh Chord (Aventure de l’accord de Septième de Dominante) est donné dans la version pour alto solo, dont la création française de ce soir a été explicitement confiée par le compositeur à Odile Auboin. La septième de dominante est utilisée comme le moyen permettant un constant va-et-vient entre les deux cultures musicales de l’Europe occidentale et orientale, entre les deux traditions écrite et orale. Accord conclusif d’une phrase musicale dans la musique savante occidentale, il sert, dans la musique traditionnelle, une ouverture vers une nouvelle perspective. Des chants rapides ou lents de Transylvanie où est né le compositeur, illustrent les propos subtils et recherchés mais également joueurs, dans lesquels l’archet de l’altiste s’imprègne davantage à mesure que la pièce progresse.

Donaueschinger Musiktage : musiques nouvelles ? 2022, année de transition

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Bien sûr, comparaison n’est pas raison (que vise au fond cet adage sot bien plus basé sur un jeu de sonorités -un bon point- que sur du sens ?) et 2021 est un anniversaire (séculaire) qui ne se répète pas chaque année, mais l’édition 2022 du Donaueschinger Musiktage, malgré, ou à cause de, sa bonne tenue, de ses habits de gendre du dimanche  -celui qui a son missel à lui à l’église (la blanche Christuskirche, éclairée de bleu pour une soirée Now Jazz d’improvisation si convenue qu’on y cherche encore la spontanéité, trop peu nourrie de la fraîcheur de la violoncelliste Tomeka Reid et de son instrument, gris marbre)-, de l’approfondissement du consensus par un public peut-être engourdi par la pandémie/la guerre/l’inflation, qui disperse son discernement au travers d’applaudissements amollis, cette édition donc, pourtant porteuse d’espoirs avec sa floppée de compositeurs à découvrir, sa dizaine de concerts, du plus petit (un inattendu duo de trombones) au plus grand effectif (l’Orchestre Symphonique de la SWR réparti en trois plateaux), son organisation soignée (un peu tatillonne, aux Donauhallen sous alerte policière, quant au type de sac interdit en salle mais parfois aussi banni du vestiaire -à caser alors dans le « blauer Bus » sur le parking (mais t’as vu la file ?), son environnement sympathique (la ville de Donaueschingen, qui vit, mange et dort ces jours-là au rythme des centaines de festivaliers), son public mi-cheveux blancs, mi-tignasses estudiantines (et quelques-uns entre les deux), ces Musiktage 2022 laissent un goût de trop peu : trop peu de cette folie qu’on décrie chez un Stephan Prins mais qui rafraîchirait n’importe quel mamelon du désert censé accueillir des jeux d’hiver, trop peu de ce courant d’air qu’on trouve dans les fulgurances d’un Jean-Luc Fafchamps quand il cherche où est la fin, trop peu de ces remises en cause plus que formelles auxquelles nous ont nourri (avec des bonheurs aléatoires) les Fausto Romitelli, John Cage ou Luigi Nono.

On sait que 2022, à Donaueschingen, est une année de changement de règne : exit Björn Gottstein, responsable d’une programmation qu’il n’est plus là pour mettre en œuvre et inxit Lydia Rilling, maman (en vrai et en congé parental) mais sans les rênes d’une édition où elle n’est pas, remplacée par Eva Maria Müller, souriante et sympathique mais difficilement accessible à ceux qui ne parlent pas l’allemand (le bilinguisme des annonces aide cette partie du public, qui se débrouille, parle des langues, mais pas toutes)- un air de flottement donc, à quoi on laisse l’année pour dissiper le brouillard et orienter la visée auditive vers ce que sont les musiques nouvelles aujourd’hui. A moins que… A moins que ces musiques nouvelles elles-mêmes… Que les compositeurs d’aujourd’hui… Un creux ? Une crise d’inspiration ? Une stagnation, un immobilisme, une posture figée, un garde-à-vous ? Mais non. Ils sont là, dans la salle peut-être, ceux qui rêvent d’innover, encore, qui débordent d’idées, dont certaines franchiront le stade de l’ébauche et s’épanouiront sur une scène (ou plusieurs), comme cette jeune espagnole, Ixta (du nom de ce volcan mexicain à la forme de femme endormie), qui étudie la composition à Linz, en Autriche, auprès de Carola Bauckholt, tient difficilement en place, note fébrilement ses pensées sur un petit carnet pendant le concert (« je compose à partir d’un narratif ») et assure, avec un large sourire, ironique et sérieux, qu’elle a « le prénom adéquat pour être célèbre ».