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A Genève, Laurent Pelly relit La Cenerentola

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Une scène vide entourée de parois recouvertes d’un papier peint délavé, un Orchestre de la Suisse Romande aux cordes réduites, jouant la carte de la transparence dans une Ouverture que le chef Antonino Fogliani allège délibérément, ainsi se présente cette Cenerentola qui, en période de disette pandémique, ouvre la saison du Grand-Théâtre de Genève en remplacement d’une Turandot exigeant de trop considérables effectifs !

Et l’on s’amuse diablement à la vue de ces praticables sur glissière véhiculant le lit de Tisbe, la baignoire de Clorinda, la cuisine à table de formica, la buanderie où œuvre la malheureuse Cendrillon, myope comme une taupe dans sa blouse trop grande et ses pantoufles miteuses, s’accrochant à son balai et son seau à récurer. Avec la collaboration de la fidèle Chantal Thomas pour le décor, Laurent Pelly s’en donne à cœur joie en concevant cette mise en scène aussi intelligente que cocasse qu’il agrémente de costumes d’une rare fantaisie ; ainsi Alidoro, le philosophe, apparaît sur le pas de porte comme un migrant hâve sous son sac à dos avant de faire basculer la trame en devenant le chef d’orchestre à queue de pie démesurée face à un Magnifico, gros bourgeois à complet-veston marron émergeant de l’intérieur de son canapé. Dans ce fatras sordide, comment ne pas désirer un peu de cette gaieté qui fait rêver qu’exhibent la dizaine de courtisans à perruque poudrée ainsi que le Dandini faux prince, flanqués d’un Don Ramiro travesti sous habit de cour verdâtre ? La rencontre inopinée de la pauvre souillon et du pseudo-valet les fait rougir tous les deux avec « Un soave non so che «  ; et l’éclairage (dû à Duane Schuler et Peter van der Sluis), jusqu’alors si terne, tourne instantanément au rose fluo. Deviennent transparents les ajouts descendant des cintres tels que le carrosse pour aller au bal et le palais princier où tout tire au violacé, de la perruque de Don Magnifico aux crinolines en plexiglas des deux Barbie pimbêches entre lesquelles virevoltera leur demi-sœur ‘métamorphosée’ dans une mousseline bleutée vaporeuse comme le temps qui s’écoule… Le retour à la maussade réalité condamne le père et ses filles à se blottir sous les draps alors qu’éclate l’orage salvateur amenant l’heureux dénouement où l’héroïne, si compatissante envers ses bourreaux, conservera ses hardes jusqu’à la dernière note de son rondò

« Musique ! A l’aide ! », s’écrie L’Enchanteresse à Lyon

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our son Festival ‘Vies et destins’, l’Opéra de Lyon propose en parallèle Didon et Enée, remembered selon Purcell complété par Kalle Kalima, Le Retour d’Ulysse de Monteverdi dans la version du Handspring Puppet Company et L’Enchanteresse, l’antépénultième ouvrage de Tchaikovsky, écrit entre août 1885 et septembre 1886.
Il y a deux ans, le San Carlo de Naples en proposait la création italienne dans une mise en scène de David Pountney. A Lyon, la direction fait appel au régisseur ukrainen Andriy Zholdak qui conçoit aussi les décors (en collaboration avec son fils (?) Daniel) et les lumières, quand Simon Machabeli réalise les costumes ; il fait table rase de la trame, du lieu et de l’époque pour nous livrer ses fantasmes personnels en matière de sexe et de religion. Qu’on en juge : le livret d’Ippolit Shpazinsky est focalisé sur Nastasya dite Kuma, tenancière d’une auberge de campagne aux confins de l’Oka et de la Volga, qui exerce une ensorcelante fascination sur le Prince Nikita Kurlayev dont elle refuse les avances ; par contre, elle s’éprendra de son fils Yuri, envoyé par sa mère, la Princesse Evpraksya Romanovna, folle de jalousie, pour mettre un terme aux jours de la ‘sorcière’. Le dénouement sera terrible : Nastasya sera empoisonnée par les bons soins de l’épouse outragée, et le fils sera abattu par son père.