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Falstaff de Verdi à Luxembourg

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Falstaff, l’énorme Falstaff, le perpétuel affamé et assoiffé, toujours en quête de la « bonne idée » qui lui permettra de remettre à flot des finances toujours en péril. Sa dernière trouvaille justement : séduire à la fois les belles et riches Alice Ford et Meg Page. Aussi vite pensé, aussi vite ourdi. Mais le réel… et surtout Shakespeare, qui est le « papa » lointain du bougre, et Arrigo Boito, qui est l’auteur du livret, vont évidemment lui compliquer la tâche. Le dupeur sera finalement dupé mais gardera sa bonne humeur. La vie continue et, comme il le proclame, « le monde entier n’est qu’une farce. L’homme est né bouffon » !

Falstaff est le dernier opéra de Verdi. On connaît l’imposant catalogue de ses terribles et merveilleuses tragédies. Mais voilà qu’en 1893, le vieux monsieur (il a alors 80 ans), au sommet de sa gloire et qui a déjà tout prouvé, se lance un défi : faire rire ! Pari gagnant. Particulièrement grâce à une extraordinaire partition : elle est non seulement comme un récapitulatif transcendé de tout ce qu’il a écrit jusqu’alors, mais il en joue dans de savoureuses auto-citations, des auto-parodies, des détournements. Il va même jusqu’à terminer son opéra par une grande fugue dont la solennité d’écriture est en plus que savoureux contraste avec le message final : « Rira bien qui rira le dernier. Tous sont dupes ». Voilà qui est immensément créatif ! 

Ce Falstaff-là, que Shakespeare et le livret de Boito font vivre au début du XVe siècle, les metteurs en scène l’ont déjà installé dans toutes sortes d’autres époques et milieux. Jusqu’à être, comme je l’ai vu, devenu punk chef de bande punk ! Il est vrai que pareil personnage n’est pas typique d’une époque, il est un tempérament, un énoooorme tempérament.

« La Traviata » de Nancy, une focalisation vers l’épure 

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Pour finir sa saison 2022-23, l’opéra de Nancy reprend la Traviata dans la mise en scène de Jean-François Sivadier au Festival d’Aix en Provence en 2011. Pour ceux qui n’ont pas eu la chance de la voir, qu’il soit permis de la figurer ici. 

Sur le plancher de la scène recevant des paillettes d’or et devant le fond bitumineux servant de tableau noir au cours du drame, un maigre ameublement composé de tapis, de chaises chinées, de paravents et du rideau découpant l’espace situe l’action en un hors temps et un hors lieux sombre. Impression renforcée par les fripes bigarrées des protagonistes. Etrange choix pour le seul opéra de Verdi situé à son époque et nommant de surcroit ses lieux à chaque acte.

La maladie gagnant sur Violetta et celle-ci se déchargeant progressivement de ses biens, la mise en scène avance vers une nudité froide. Le premier acte est chargé de convives, de chaises, de panneaux et de rideaux. Le deuxième ne garde que deux tables, quelques chaises et des panneaux imprimés de motifs champêtres. Le troisième met les fêtards en fond de scène, tandis que la rivalité d’Alfredo avec les invités et Violetta se joue en une cour au-devant de la scène. Le dernier est quasi vide. La réduction du mobilier renforce son importance et celle des costumes, ainsi des panneaux tombants, le pork-pie du fêtard interdisant Violetta à Alfredo au premier acte, porté par Alfredo au troisième, et les bottines de Violetta, ôtées ou chaussées, indiquant sa solitude ou sa compagnie.