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Frank Dupree, musicien protéifome 

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Le pianiste et chef d'orchestre allemand Frank Dupree a remporté un International Classical Music Awards 2022 dans la catégorie « Assorted Programs » avec un CD de concertos et une symphonie de chambre de Nikolai Kapustin. Remy Franck, Président du Jury ICMA, s'est entretenu avec le musicien.

La musique de Kapustin combine le jazz et la musique classique. L'interprète doit être capable de reproduire ce mélange. Est-ce vraiment difficile ?

J'ai grandi comme pianiste classique et j'ai bénéficié d'une éducation pianistique vraiment classique. Grâce à mon professeur de batterie, que j'ai eu depuis tout petit, j'ai appris à connaître le jazz et aussi la musique africaine et latino-américaine. À l'adolescence, j'ai combiné les deux et j’ai joué beaucoup de jazz en plus de la musique classique, notamment Gershwin et Kapustin. Pour moi, Kapustin est le compositeur qui se situe exactement entre les deux. Bien sûr, tout est écrit dans sa musique. Mais ce n'est que si vous connaissez les éléments de base du jazz, le jeu libre, l'improvisation, que vous pouvez jouer sa musique comme il l'entendait. Le contenu est du jazz, même si la forme est classique. Kapustin est une fusion parfaite entre la musique classique et le jazz.

L'improvisation, qui était monnaie courante dans la musique classique, est aujourd’hui quelque peu passée de mode.

Oui, et c'est vraiment dommage. Bien sûr, c'est formidable de pouvoir tout jouer en suivant les notes, mais je trouve aussi agréable de jouer un morceau spontanément au piano, sans notes et sans s'être entraîné pendant des heures auparavant. Je le fais souvent pour moi-même, pour me mettre dans le bain ou entre deux pièces, pour me vider la tête. Et il m'arrive d'arranger le rappel après un concert de piano sous forme d'improvisation libre. Par exemple, je prends un morceau du Concerto pour piano de Schumann et j'improvise librement dessus. Je constate que le public réagit très fort à cela, car nous aimons tous cette spontanéité. Et je peux lui dire : Je ne l'ai jamais joué comme ça avant et je ne le jouerai plus jamais comme ça, c'était un instantané. C'est précieux dans un concert. En fait, Kapustin fait le contraire : il "compose" l'improvisation, et il le fait avec excellence. Je ne connais vraiment aucun compositeur, à part peut-être Beethoven, qui ait pu coucher l'improvisation sur papier aussi bien que lui.