Mots-clé : Olivier Gourdy

Aller au musée pour sortir du musée

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« Orlando » de Haendel, créé à Londres en 1733, est une œuvre magnifique… dans sa partition et ses airs. Son livret, lui, nous confronte aux états d’âme de différents personnages qui aiment et ne sont pas aimés, ont aimé et n’aiment plus, ont cru aimer ou être aimés. Des sentiments exacerbés qui sont justement le meilleur des tremplins pour de grands épanchements vocaux de tendresse, de désillusion, d’amertume, de colère, de folie. Mais, le genre oblige, des airs qu’on ne peut pas rater dans la mesure où ils sont « da capo », ce qui, pour faire bref, signifie qu’on les entend, certes autrement ornementés, trois fois. De plus, il ne se passe pas vraiment grand-chose sur le plateau.

C’est donc musicalement et vocalement très beau, magnifique, sublime, envoûtant.

Au Grand Théâtre de Luxembourg, les spectateurs n’ont pu que se réjouir de l’accomplissement et de l’exaltation de cette splendeur musicale et vocale grâce à la prestation de Christophe Rousset et de ses Talens Lyriques. Bonheur d’écoute. Grâce aussi à la belle distribution réunie, si convaincante déjà alors que nous l’avons découverte lors d’une générale programmée la veille de la première : Katarina Bradic-Orlando, Mélissa Petit-Angelica, Rose Naggar-Tremblay-Medoro, Michèle Bréant-Dorinda et Olivier Gourdy-Zoroastro.

Mais...

A Lausanne, une Carmen si singulière

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Alors qu’il achève sa première saison à l’Opéra de Lausanne, Claude Cortese est l’un des rares directeurs de théâtre lyrique à prêter attention au fait que Carmen, l’un des piliers du répertoire actuel, fête en cette année 2025 le 150e anniversaire de sa création qui eut lieu à l’Opéra-Comique le 3 mars 1875. 

Au vu des dimensions modestes du plateau, la direction a choisi de reprendre la production que Jean-François Sivadier avait conçue pour l’Opéra de Lille en mai 2010, production qui avait été présentée ensuite au Théâtre de Caen en octobre de la même année. Et c’est lui-même qui vient à Lausanne pour la remonter en ouvrant l’espace de jeu par un praticable côté jardin enjambant la fosse d’orchestre, ce qui permet d’accéder à la scène par l’allée latérale du parterre. Sa mise en scène prône une sobriété détachée de tout pittoresque racoleur.

Le décor d’Alexandre de Dardel consiste en une estrade en fond de scène et en panneaux de bois amovibles suggérant tant la manufacture de tabac que l’entrée de la taverne de Lilas Pastia ou le portail des arènes. Quant aux costumes de Virginie Gervaise, leur esthétique ne recherche aucune couleur locale, laissant la garde descendante en tenue débraillée observer une foule hétéroclite au sein de laquelle se faufile une Micaëla bonne fille portant sac à dos à la recherche d’un José qui semble bien emprunté sous sa vareuse décolorée. De la meute des cigarières alanguies se détachera une Carmen se singularisant davantage par les sautes d’humeur d’un caractère trempé que par ses atours sans cachet particulier. Bardé cuir noir, Escamillo tient plus du loubard séducteur patenté que du toréador que finira par sacraliser l’habit de lumière.  Curieuse idée que cette fleur tombant des cintres pour se ficher dans le sol ou cette corde descendant d’on ne sait où afin de lier les poignets d’une bohémienne se vautrant sur le pavement pour séduire son dadais de soldat !  Les lumières de Philippe Berthomé jouent de subtiles gradations pour caractériser chaque scène, contrastant ainsi la livraison nocturne de gigantesques ballots sur cette horde démesurée de contrebandiers assoupis avec la bigarrure d’une foule exultant à la vue des quadrilles de la fiesta. Saisissante image que celle d’une Carmen assassinée contre une palissade s’effondrant pour laisser apparaître le matador qui vient de porter l’estocade.

Opera Fuoco & David Stern dans Serse de Händel

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Et si, pour une fois dans un article sur l'opéra, on commençait par la phalange vocale et instrumentale ? Plus fantasques que réelles, plus extravagantes qu'honnêtes, les mises en scène d'aujourd'hui ont tout ce qu'il faut pour plaire ou pour choquer. La toute nouvelle version de Serse de Händel, montée par l'Opera Fuoco et David Stern pour le Beijing Music Festival (octobre 2019), sort parfaitement de ses problématiques. Présentée en version de concert à la Salle Ravel de Levallois, où la compagnie est en résidence, la Serse de l'Opera Fuoco a proposé de revenir à l'essentiel de l'opéra : la voix. Pas de décoration grandiloquente, pas de transposition de sujet sur la lune ou le cosmos, rien que la voix et la parfaite cohésion entre le chef et ses musiciens sur la scène tout comme dans la fosse d'orchestre.