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Robin Pharo, cap sur l'Angleterre 

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Robin Pharo est directeur de l'ensemble Près de votre oreille (Near your ear) avec qui il fait paraître un album intitulé “Lighten mine eies” (Harmonia Mundi). Ce nouvel enregistrement  marque une étape importante dans le parcours de l’ensemble « Près de votre oreille ». Depuis sa création en 2017, l’ensemble explore la musique de chambre ancienne, en particulier le répertoire anglais, de l’époque élisabéthaine aux débuts de la restauration de la monarchie anglaise. Avec ce nouvel opus, c’est le compositeur William Lawes qui est à l’honneur.  Robin Pharo répond aux questions de Crescendo Magazine pour nous présenter ce disque qui s’impose comme une référence. 

Pour votre premier album pour Harmonia Mundi, vous avez choisi de mettre à l’honneur William Lawes. Pourquoi ce choix ? 

C’est une décision qui s’est faite un peu par hasard… En écoutant un disque magnifique de l’ensemble Correspondances, Perpetual night, j’ai découvert une pièce sublime de William Lawes, qui ouvre aujourd’hui l’album Lighten mine eies. J’ai alors fait le lien avec un nom qui m’était familier. Pourtant, je n’avais jamais écouté à ce moment ses célèbres pages pour consort de violes de gambe et orgue, que j’ai depuis eu la chance de jouer avec l’ensemble Près de votre oreille. Je savais simplement qu’elles existaient parce que je suis violiste. J'ai alors cherché à en savoir plus sur William Lawes et notamment sur sa musique vocale. Je ne savais pas que je tomberais alors sur des dizaines de pièces jamais enregistrées, d’une beauté exceptionnelle.

Comment avez-vous sélectionné les œuvres présentées sur cet album ? 

Comme pour tous les programmes que je crée, je cherche instinctivement une forme de dramaturgie et d’éloquence, comme celle qu’on recherche lorsqu’on peint un tableau (je dessine très mal mais je me débrouille mieux avec la musique !). À la différence par exemple d’une pièce qu’on compose d’après un texte existant, lorsqu’on crée un programme de récital, il faut aussi trouver une idée à dépeindre. Celle-ci ne vient pas immédiatement. Je dirais qu’on ne lève réellement le voile sur un tel récital qu’une fois que celui-ci est terminé. C’est comme si on peignait à l’aveugle, avec pour seule boussole, le son, et qu’on parvenait enfin à une image à la fin du travail de sélection. En quelque sorte, l’histoire qu’on a dépeinte est alors le fruit du hasard, et aussi de contraintes très pragmatiques, la nécessité de présenter des formes variées, des moments rythmiques, tendres, etc… Et puis on cherche un début qui attire notre attention, un milieu qui nous permet d’exulter, et une fin qui nous transcende… Composer un programme est un exercice absolument fascinant mais il est aussi très exigeant. 

Comment l'art de Lawes s’intègre-t-il dans son temps, en particulier à la suite de Byrd et Gibbons ? 

Je dirais que l’art de Lawes est à la fois un chemin vers l’ailleurs et un aboutissement. Comme Byrd et Gibbons, ses prédécesseurs, William Lawes connaît à la perfection les secrets du contrepoint le plus subtil et le plus virtuose. C’est ainsi qu’il compose des fantaisies à 6 voix spectaculaires. William Lawes dévoile aussi dans ses œuvres contrapuntiques un réel désir de nouveauté. Il n’hésite pas à emprunter des ostinato marquant et de fausses relations violentes. Il est capable de se saisir de l’étrangeté comme personne à son époque. Pour le répertoire instrumental, nous lui devons des pièces exceptionnelles comme ses fantaisies Sunrise et Sunset, qui ressemblent à de petites symphonies bien plus tardives pour orchestre à cordes… Ses harp consorts et ses royal consorts sont aussi une illustration de son avant-gardisme qui l’amène à des associations d’instruments inédites. Comme son grand frère, Henry, il écrit aussi pour la voix et je dirais que sa musique vocale profane ressemble encore plus que celle de son aîné, à ce qu’on pourra découvrir chez des compositeurs plus tardifs comme John Blow. Elle a donc une importance probablement plus grande sur l’évolution de la musique vocale. Pour moi, William Lawes est donc un compositeur très important pour l’évolution globale de la musique classique britannique. Ses talents de musicien l’ont amené à composer beaucoup pour le théâtre et les spectacles de cours qu’on appelle mask. Cette notoriété acquise a rendu sa disparition encore plus tragique pour le monde culturel anglais, lors de la Grande Rébellion. 

Jean Rondeau érige un monument à la gloire de Louis Couperin et de son époque

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Louis Couperin (1626-1661), L’œuvre complet (The complete works). Egalement avec des ieuvres de Charles Couperin (1638 - 1679), François Couperin l'aîné, dit "le Grand" (1668 - 1733),  Jean-Henri d'Anglebert  (1629 - 1691), Jacques Champion de Chambonnières (vers 1601/1602 - 1672), François Dufaut (1604 - 1672), Johann Jakob Froberger  (1616 - 1667),   Ennemond Gaultier  (1575 - 1651), Denis Gaultier (1603 - 1672), Jacques Hardel (1643 - 1678).  Jean Rondeau, clavecin et orgue ; Anaïs Bertrand, mezzo-soprano ; Lucile Boulanger, viole de gambe ; Clotilde Cantau, soprano ; Cécile Dalmon, mezzo-soprano ; Mathias Ferré, viole de gambe ;  Elsa Frank : hautbois, Pierre Gallon : clavecin et orgue, Victor Julián Rincón Hurtado : flûte ;  Anna Lachegyi, viole de gambe ; Rémi Lecorché,  sacqueboute ; Adrien Mabire, cornet ;   Jérémie Papasergio, basson ; Robin Pharo, viole de gambe ; Philippe Pierlot,  viole de gambe ; Adrien Reboisson, hautbois ; Lucile Richardot, mezzo-soprano ; Myriam Rignol,  viole de gambe ; Thibaut Roussel : théorbe. Textes de présentation en français et anglais. 13 heures. 10CD. Warner Classics

Deux soirées avec des ensembles à petit effectif aux Rencontres Musicales de Vézelay 

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Dans l’église Saint-Germain de Vault-de-Lugny, à 13 km de Vézelay, son excellente acoustique fait résonner des musiques à petit effectif. Cette année, deux ensembles ravissent nos oreilles : l’Ensemble Correspondances dans une formation réduite sous la direction de Sébastien Daucé, et l’Ensemble Près de Votre Oreille, dirigé de sa viole de gambe par Robin Pharo.

Les Membra Jesu Nostri par l’Ensemble correspondances

On se souviendra longtemps des Membra Jesu Nostri de Buxtehude offerts par l’Ensemble Correspondances, qui feront désormais partie de l’un des plus beaux moments de l’histoire du Festival. Les sept cantates qui constituent l’œuvre font référence à sept parties du corps de Jésus sur sa croix. Buxtehude les sublime avec des notes et des harmonies qui incarnent la grâce, malgré les textes sombres voire violents qui évoquent les blessures ensanglantées du Christ. Au milieu de ces cantates, deux pièces viennent compléter le programme : Klaglied du même Buxtehude et Die mit Tränen de Schütz. Dans Klaglied, Lucile Richardot (ici identifiée comme bas-dessus) s’élève à la hauteur céleste et nous emmène dans une sphère suprême. Son timbre ambré, teinté de bronze satiné dans les graves, s’éclaire comme les premières lueurs de l’aube quand elle prolonge une note aiguë dans un triple piano, en nous inondant de douceur. Les chanteurs et les instrumentistes frôlent la perfection, sous la direction à la fois méticuleuse et libre de Sébastien Daucé. Ils invitent l’auditoire à une immersion dans un véritable mysticisme musical. Une expérience unique, dans laquelle on se laisse volontiers bercer par les résonances veloutées des voix et des instruments. 

Flûte et hautbois autour de CPE Bach : deux nouvelles parutions

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Carl Philipp Emanuel Bach (1714-1788) : Sonates en la majeur Wq 48/6 (adagio), en la majeur Wq 65/32 (andante con tenerezza). Quatuors en la mineur, ré mineur, sol majeur Wq 93-95. Nevermind. Anna Besson, flûte. Louis Creac’h, alto. Robin Pharo, viole de gambe. Jean Rondeau, clavecin. Livret en français, anglais, allemand. Août 2020. TT 57’21. Alpha 759

The oboe in Berlin. Carl Philipp Emanuel Bach (1714-1788) : Sonate en sol mineur Wq 135 ; Sonate en fa majeur [arrgmt Wq 163]. Christoph Schaffrath (1709-1763) : Quatuor en mi bémol majeur CSWV D:6. Wilhelm Friedemann Bach (1710-1784) : Sicilienne en la mineur. Carl Ludwig Matthes (1751- ?) : Sonate en mi bémol majeur. Johann Gottlieb Janitsch (1708-1762) : Sonata di camera en si bémol mineur. Xenia Löffler, hautbois. Daniel Reuter, violon. Mickael Bosch, hautbois. Katharina Litschig, violoncelle. Györgyi Farkas, basson. Felix Görg, violone. Michaela Hasselt, clavecin. Livret en anglais, français, allemand. Octobre 2020. TT 63’11. Accent ACC 24377

L’Atelier Lyrique de Tourcoing lance sa saison

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Le lancement de saison 2021-2022 de L’Atelier Lyrique de Tourcoing s’achevait ce 25 septembre par deux récitals baroques, d’esprit antinomique et complémentaire : affliction puis réjouissance. À 18 heures en l’église Saint-Christophe : un programme principalement italien titré « Il pianto della Madonna » s’inscrivait dans la thématique pascale de la Passion et des larmes de la Vierge. L’ordonnancement, quoique cohérent, dérogeait à la notice distribuée aux spectateurs et reprenait la structure du disque homonyme réalisé en août 2015 à Deauville pour le label B Records par l’Ensemble Desmarets. On en reconnut d’ailleurs la plupart des musiciens investis dans une nouvelle structure (Acte 6) : Robin Pharo à la viole, Marc Wolff à l’archiluth, Maïlys de Villoutreys au chant, complétés par Julie Dessaint (viole) et Samuel Hengebaert (viola da spalla) qui assurait la codirection artistique avec Ronan Khalil (clavecin/orgue).

Après le Salve Regina à nu, exhalé derrière les musiciens qui lui répondirent par une Recercada de Diego Ortiz, on entendit son élaboration par Barbara Strozzi (1619-1677). Dans la fermeté (ad te clamamus, exules filii Evæ) comme dans la nuance (in hac lacrimarum valle), la soprano domina les enjeux expressifs de l’antienne de la compositrice vénitienne, jusqu’à un dulcis Virgo Maria blanc comme le lys qui révélait une voix plus claire que chaleureuse. La brève Passacaille de Luigi Rossi dissipa l’imploration et transigea vers la célèbre Lamento d’Arianna de Claudio Monteverdi : sa version sacrée incluse dans le Selva Morale e spirituale, qui transpose sur le terrain spirituel la déploration d’Ariane pour Thésée. Les estompes (mi Fili), les soupirs (Mea spes, mea vita), le filé de la voix : une subtilité manquant peut-être seulement de cette souplesse latine qui lui apportât un surcroît de flamme avant l’ultime vacillement du Matris amore.

Le sommet du récital advint avec l’hypnotique et douloureux Hor ch’è tempo di dormire de Tarquinio Merula : l’arche d’intensité fut suggérée par des effets spatiaux (Maïlys de Villoutreys remonta la nef vers le chœur) et par le renforcement progressif de l’accompagnement, pour un captivant effet dramatique. Ce que cette berceuse peut receler de monotone se trouva transfiguré. Humble et bouleversant, de loin la meilleure interprétation qu’on en ait entendu, y compris au catalogue discographique. Cordes pincées, solo d’orgue : l’intermède amena le Stabat Mater de Giovanni Felice Sances (1600-1679) conclu par des vocalises et des zébrures de viola da spalla qui moiraient la vision de gloire du paradis. En termes de timbre, stabilité d’émission et séduction, c’est le fervent O Maria de Strozzi qui montrait la jeune chanteuse à son meilleur et refermait ce précieux concert par un rayonnement collectif gagé par l’alléluia. Les applaudissements rappelèrent plusieurs fois les six artistes qui se séparèrent de l’assistance par un bis.

Troisième Livre de Marais : encore un sommet pour l’intégrale en cours de François Joubert-Caillet

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Martin Marais (1656-1728) : Troisième Livre de Pièces de Viole. François Joubert-Caillet, basse de viole. L’Achéron. Sarah van Oudenhove, Robin Pharo, basse de viole. Miguel Henry, théorbe, guitare. André Heinrich, théorbe. Philippe Grisvard, clavecin. Livret en français, anglais, allemand. Septembre 2017, septembre 2018, mai 2019. TT 56’16 + 75’42 + 62’53 + 64’30. Ricercar RIC 424