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Si nuancé, si intense « Julie » de Philippe Boesmans à Nancy

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A l’Opéra de Nancy, c’est un public enthousiaste qui a manifesté son bonheur à l’issue de la représentation d’un opéra contemporain, Julie de Philippe Boesmans. Un opéra créé à La Monnaie en mars 2005 (certains de nos lecteurs s’en souviendront certainement) et inspiré de Mademoiselle Julie, une pièce d’August Strindberg, créée, elle, en 1889. 

Là-bas dans le Nord scandinave, une nuit de la Saint-Jean : Julie, la fille du Comte, descend aux cuisines. Au mépris des convenances, elle invite Jean, le domestique de son père, à danser, sans se soucier de la présence de la fiancée de celui-ci, Kristin, la cuisinière. Ils ont beaucoup bu, ils se font part de leurs rêves les plus secrets, ils font l’amour, ils vont, disent-ils, s’enfuir, aller ouvrir un hôtel en Suisse. Mais le jour se lève, qui les révèle tels qu’ils sont, en mépris de classe réciproque. Retour du Comte. Jean, qui répond servilement à ses appels, offre son rasoir à Julie. Elle se donne la mort. L’invitation à la danse s’est métamorphosée, pour reprendre un autre titre de Strindberg, en une « danse de mort ». 

La pièce de Strindberg porte un sous-titre : « tragédie naturaliste », que je mentionne parce que l’œuvre de Boesmans ainsi que sa mise en scène à l’Opéra de Nancy par Silvia Costa disent certes bien la tragédie, mais sont tout sauf naturalistes ! Le travail de composition de l’un et l’installation scénique de l’autre se caractérisent par une extrême délicatesse, un superbe sens des nuances qui enrichissent l’œuvre sans aucunement porter atteinte à sa force tragique, à son intensité. C’est absolument remarquable.