Mots-clé : Ruth González

Ombres et lumières dans Pelléas et Mélisande au Liceu

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Debussy prétendait trouver un nouveau chemin à l'opéra. Pris en étau entre le style du vérisme et ses drames de cape et épée, qui tranchaient avec les émotions provoquées par les injustices et misères de ce bas-monde, et le wagnérisme avec son exaltation brumeuse des légendes alémaniques (si souvent inspirées de Chrétien de Troyes...), il n'a écrit que ce seul ouvrage, rejetant tous ses précédents essais opératiques. Il lui a consacré dix ans, retravaillant sans cesse à simplifier le propos et à polir son langage et a tenu de longs échanges avec Maeterlinck à propos du livret, presque entièrement extrait de la pièce de théâtre avec diverses coupures. Leur brouille à propos du choix de la Mélisande mettra fin à leur relation... Dans sa correspondance avec Ernest Guiraud, qui fut son professeur au Conservatoire de Paris, il déclare qu’ il souhaite suivre le poète qui « disant les choses à demi, permettra de greffer mon rêve sur le sien; qui concevra des personnages dont l’histoire et la demeure ne seront d’aucun temps, d’aucun lieu… » ... « Je rêve de poèmes qui ne me condamnent pas à perpétrer des actes longs, pesants ; qui me fournissent des scènes mobiles, diverses par les lieux et le caractère ; où les personnages ne discutent pas, mais subissent la vie et le sort ». Cent vingt ans après sa création, Pelléas reste un indiscutable chef d'œuvre de la musique. Et, malgré les diatribes anti-wagnériennes qu'il prodiguait (comme le fameux Golliwoog's Cake Walk parodiant le thème germinal de Tristan et Yseult...) le rapprochement avec le drame wagnérien est omniprésent, autant dans l'histoire du triangle amoureux que dans la musique. Mais considérer son empreinte comme ouvrage dramatique nous mène tout droit à un chemin d'ombres et de lumières. Ombres car le texte, pour le spectateur actuel, oscille entre le niais des propos décousus des amants non avoués, (mais droit dans la lignée du non-dit freudien) et le stupéfiant, comme la terrible sentence d'Arkel : « Si j'étais Dieu, j'aurais pitié du cœur des hommes »