Elle y a cru, nous y croyons : Madama Butterfly à Avignon
Pauvre petite Cio-Cio-San, pauvre et pathétique Mrs Pinkerton, pauvre Madame Butterfly, pauvre petit papillon épinglé, broyé. En quelques appellations, le destin d’une héroïne tragique. Là-bas à Nagasaki, dans un Japon misérable, à peine âgée de quinze ans, elle est vendue à un officier de marine américain, « mariée » pour 999 ans, avec possibilité pour le « mari » de résiliation mensuelle du contrat. Elle y croit. Elle renonce à sa famille, à sa religion. Il part. Elle l’attend. Il revient, mais avec sa « femme américaine », légitime, officielle, désireux de reprendre l’enfant né de leur union. Elle se suicide avec le sabre de samouraï de son père, sur lequel on peut lire : « Il meurt avec honneur celui qui ne peut vivre avec honneur ».
Elle y a cru, nous ne cessons d’y croire, encore et encore émus, depuis la création de l’opéra en 1904. Un mélodrame ? Oui, mais bien plus que cela. Une enfance abusée, un contexte culturel, religieux et social, la morgue indifférente et « de bonne foi tranquille » de ceux qui sont les plus forts, la vénalité, l’amour pur, naïf, sans calcul, la tendresse, des touches d’humour, une tragédie irrésistible. Et surtout une partition si juste dans la façon dont elle dit le drame, dont elle est le drame. Ah ! ces thèmes pucciniens qui annoncent, qui exposent, qui rappellent. Nous entendons, nous ressentons, nous vibrons avant que les mots ne surgissent. Et l’on a beau connaître l’œuvre, l’avoir écoutée et écoutée, savoir à quel moment l’émotion est au rendez-vous, elle nous atteint chaque fois, bouleversante.