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 Eduard Van Beinum, la flamboyance et la mesure 

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Dès ce début d’année, Decca nous comble avec un coffret consacré aux enregistrements du chef d’orchestre Eduard Van Beinum pour les labels Decca et Philips. Trop négligé, ce legs était disponible de manière fort éparse, voire très difficile d’accès en dehors des Pays-Bas où ces enregistrements avaient fait les jours glorieux de collections destinées au marché local. 

Car Eduard Van Beinum (1900-1958), mort des suites d’une crise cardiaque en pleine répétition, fut sans doute l’un des plus formidables virtuoses de la baguette. Outre une parfaite flexibilité de répertoire qui le faisait exceller autant dans les oeuvres classiques que dans Bruckner, Mahler, Brahms ou les compositeurs de son temps, il présentait l’une des rares facultés à combiner verticalité et horizontalité dans ses interprétations en alliant la motricité à la lisibilité des lignes instrumentales tout en tendant l’arc dramatique. Par ailleurs, fruit d’une époque marquée par les grandes figures subjectives de l’interprétation : Wilhelm Furtwängler mais surtout son compatriote Willem Mengelberg dont il est le parfait opposé. Fuyant les fulgurances de ces illustres chefs et leurs maniérismes interprétatifs, Van Beinum est le serviteur de la musique et il fait parler la partition. Ses interprétations s’inscrivent dans la lignée moderniste de l’art de la direction, se faisant ainsi le précurseur des lectures issues du mouvement baroque. Méticuleux et exigeant en répétitions, il travaillait sans relâche à obtenir le meilleur des musiciens au service des volontés des compositeurs. Ainsi ses lectures des symphonies de Brahms, cursives, vigoureuses, chantantes et allégées, auraient bien pu être dirigées par un Harnoncourt…

  • Une biographie

Mais revenons sur la carrière de ce chef d’orchestre. Eduard Van Beinum voit le jour à Arnhem, aux Pays-Bas, où il reçoit très tôt ses premières leçons de violon et de piano. A l’âge de 16 ans, il intègre l’Orkestvereniging d'Arnhem en tant que violoniste en 1918. Chez les van Beinum, la musique est une affaire de famille :  son grand-père était chef d'orchestre d'une fanfare militaire ; son père jouait de la contrebasse dans l’Orkestvereniging d'Arnhem. Son frère Co van Beinum était lui-même violoniste, et les deux frères se produisaient en duo violon-piano lors de concerts. Le jeune Eduard Van Beinum intègre le Conservatoire d'Amsterdam, tout en pratiquant la direction d'orchestre au podium d'ensembles amateurs à Schiedam et Zutphen. Comme c’était de tradition à cette époque dans la formation des musiciens, il mène également des  concerts de la chorale de l'église Saint-Nicolas à Amsterdam. Cette école lui permet de développer des qualités dans son approche des musiciens, parvenant à tirer le meilleur d’artistes amateurs. Eduard Van Beinum est alors un pianiste très demandé et il se produit en récital à travers le pays avec son frère mais également sa fiancée Sepha Jansens.