Torbjörn Iwan Lundquist, une autre commémoration de 2020

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Torbjörn Iwan LUNDQUIST (1920-2000) : Symphonie n° 2 « … pour la liberté » et Symphonie n° 9 « Survie ». Orchestre Philharmonique de Stockholm, direction Stig Westerberg ; Orchestre Symphonique d’Umea, direction Roy Goodman. 2020. Livret en suédois et en français. 63.29. Sterling CDM 3006-2.

Si l’on célèbre les 250 ans de la naissance de Beethoven, on salue aussi en 2020 les cent ans de la naissance et les vingt ans de la disparition du compositeur suédois Torbjörn Iwan Lundquist. Né à Stockholm, ce musicien qui s’est fait en plus connaître comme chef d’orchestre, étudie à l’Université d’Uppsala avec Issay Dobrowen et Dag Wirén puis, à Salzbourg et à Vienne, la direction d’orchestre avec l’Autrichien Otmar Suitner, qui a notamment laissé une remarquable intégrale des symphonies de Dvorak. Lundquist, dont l’œuvre est essentiellement tonale, est à la tête d’un catalogue qui comprend de la musique orchestrale dont neuf symphonies, de la musique chorale et vocale, de la musique de chambre, deux opéras, une petite trentaine de partitions pour le cinéma et la radio et plusieurs pages pour un instrument qu’il affectionnait, l’accordéon.

 Le présent CD Sterling restitue des enregistrements publics de deux symphonies de Lundquist.

L’écriture de la Symphonie n°2 date de 1957, après la crise hongroise de l’année précédente ; elle est  complétée en 1968, lorsque l’armée soviétique marche sur Prague. Lundquist en donnera lui-même la première exécution publique en 1971. Cette longue gestation s’explique par les commandes qui lui étaient adressées, notamment dans le domaine du cinéma et de la radio. Le compositeur considérait que le message symphonique était « la base de l’expression de la liberté de l’esprit humain », comme le rapporte la notice, et que les événements politiques de son temps en justifiaient l’existence. Construite en quatre mouvements, dans un langage tonal postromantique, cette fresque de plus de quarante minutes est traversée par de nombreux élans rythmiques et passionnels qui font la part belle aux cuivres, avec en troisième partie une Elégie douloureuse et introspective. Celle-ci précède un Final qui éclate un peu à la manière d’une subtile fanfare qui marquerait l’accession utopique à la liberté. Il s’agit d’une belle partition, qui se veut emblématique d’une civilisation occidentale harmonieuse. Stig Westerberg est à la tête du Philharmonique de Stockholm dans cette version en public du 27 septembre 1972. Ce chef suédois (1918-1999) a fait une grande partie de sa carrière dans son pays natal, où il a beaucoup œuvré pour la musique locale. Il traduit avec panache et éloquence ce projet philosophique, sans grandiloquence et sans pathos. 

La Symphonie n° 9 « Survie » est en un seul mouvement, d’une durée qui dépasse de peu les vingt minutes. Concentrée, elle peut être assimilée à une évocation dramatique, toujours centrée sur cette nécessité de la préservation de l’individu dans la société. Terminée en 1996, la partition a été écrite en plusieurs étapes au cours des années précédentes. Lundquist avait l’habitude de travailler longuement sur le matériau, de le reprendre er d’y apporter des éléments liés à ce qu’il vivait ; il était à cette époque frappé du cancer qui finirait par l’emporter. Ici, le langage orchestral est traversé par une variété de percussions dont le vibraphone et le marimba ; il est aussi accompagné par un piano, utilisé pour la première fois dans une symphonie du créateur, et par un saxophone alto. Fortement construite, l’oeuvre révèle une intensité que les trompettes et les trombones soulignent au milieu des timbales, avant une plage de quiétude, bientôt secouée par des sections dramatiques violentes, qui finiront par se diluer, non sans quelques soubresauts, dans une mélodie que le basson, le violon, les timbales, le piano et le saxophone ponctueront tour à tour avant l’entrée dans une plage de plénitude proche du silence, comme pour marquer la fin du drame. 

Lundquist savait que le chiffre 9, fatal dans le cas de plusieurs compositeurs, sonnerait peut-être aussi comme un chant du cygne pour lui. Dans une lettre, il avait écrit qu’au conseil de plusieurs de ses confrères de ne pas composer une neuvième symphonie, il avait répondu : « A la manière de Beethoven, Bruckner et Mahler, j’ai répondu que je ne suis pas prêt à ne pas poursuive mon travail. », ajoutant qu’il survivrait au titre attribué à la partition. « Survie » était donc un cri d’espoir, qui ne fut pas exaucé. A la tête de l’Orchestre Symphonique d’Umea, une cité située dans le nord de la Suède, à 600 kilomètres de Stockholm, l’Anglais Roy Goodman donne de cette Symphonie n° 9 une vision spacieuse et engagée, captée lors d’un concert public du 22 avril 1999. 

On peut découvrir, sous le même label Sterling, les symphonies n° 3 « Sinfonia dolorosa » et n° 4 « Sinfonia ecologica » par le Symphonique de Götteborg, placé sous la direction de Lundquist lui-même, puis de Sixten Ehrling. Des Suites pour orchestre, basées sur Le voyage de Nils Holgersson à travers la Suède de Selma Lagerlöf, ou sur La saga de Gösta Berling, film datant de 1924, ont été gravées sous la conduite du compositeur avec des membres de la Philharmonie de Stockholm. Il existe encore, chez Caprice Records (1994), une version de la Symphonie n° 7 « Humanité. A la mémoire de Dag Hammarskjöld », pour soprano, baryton, chœurs et orchestre. Ici encore, c’est Sixten Ehrling qui entraîne les forces de la Radio suédoise. Peut-on espérer, en cette année de double commémoration, une intégrale des neuf symphonies de Lundquist par une formation de haut niveau ? Elle serait non seulement la bienvenue, mais aussi méritée. D’autant plus que, dans le cas présent, il s’agit de concerts publics dont la qualité sonore, quoique acceptable, n’est pas idéale.

Son : 7  Livret : 9  Répertoire : 9  Interprétation : 9

Jean Lacroix

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