Trois fois Beethoven à Candes Saint-Martin

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Fondé il y a une quinzaine d’années par l’organiste et claveciniste Stéphane Béchy et l’écuyer saumurois Patrice Franchet-d’Espèrey, passionné de musique, le Festival de la Dive Musique s’est donné pour mission de faire rayonner le souvenir de Rabelais dans les alentours du petit village de Seuilly qui l’a vu naître vers 1483. Les concerts, souvent consacrés à l’univers baroque mais pas exclusivement, se donnent de la Touraine à l’Anjou dans des lieux patrimoniaux qui ne manquent pas dans ce pays béni des dieux.

C’est dans la splendide Collégiale de Candes Saint-Martin qu’eût lieu, dimanche 24 août, le concert final, à quelques dizaines de mètres de la maison qu’Henri Dutilleux et sa femme Geneviève Joy possédaient dans ce village de mariniers typique des bords de Loire, mais envahi par les touristes et les motards dès la belle saison. Devenue aujourd’hui une résidence d’artistes par la grâce de ses défunts et généreux propriétaires, la Maison Henri Dutilleux-Joy accueille des musiciens depuis 2021, après une restauration respectueuse de l’histoire de ce village classé. Construite sur les lieux même de la mort de Saint-Martin, la vieille église ruinée fut reconstruite aux XII et XIIIe siècles dans le style du gothique naissant, richement décorée par un splendide bestiaire sculpté et renforcée par des tours de défense après la Guerre de Cent Ans qui ravagea le pays.

Pour ce concert final, c’est la violoniste Stéphanie-Marie Degand et le pianofortiste Daniel Isoir qui vinrent jouer trois sonates pour violon et piano de Ludwig van Beethoven. Concert de haute tenue grâce à la grande complicité unissant les deux interprètes qui donnèrent, dans un autre endroit et la veille du concert, les 10 sonates du corpus en 24 heures.

A l’aise dans le répertoire baroque, comme dans le domaine classique et contemporain, la violoniste française bien connue nous offrit des interprétations bien structurées et sensibles, avec une sonorité large et généreuse, secondée par les sonorités claires et graciles d’un pianoforte d’époque doté d’une mécanique viennoise de 1825, répondant aux moindres sollicitations de Daniel Isoir, musicien de grande classe et très inspiré. L’équilibre sonore entre ces deux instruments anciens était tout simplement idéal, le pianoforte ne couvrant jamais le son du violon, malgré l’acoustique généreuse des lieux.

Nul besoin d’être musicologue pour apprécier le contraste stylistique évident séparant les deux Sonates de l’opus 30 jouées en début de programme et le langage tourmenté et farouche de la célèbre Sonate à Kreutzer donnée après l’entracte. Si le jeune Beethoven s’amuse à brouiller les pistes d’une manière facétieuse en multipliant les surprises dans les deux premières, c’est un langage résolument nouveau que le compositeur va inaugurer dans la Sonate à Kreutzer, contemporaine de la Symphonie Héroïque, en ouvrant toutes grandes les portes du romantisme. Ce splendide concert final inaugurait discrètement la future collaboration de Stéphanie-Marie Degand qui reprendra la direction artistique du festival dès l’an prochain. Gageons qu’elle réussira à s’entourer des meilleurs artistes pour continuer de faire vivre une manifestation de haute qualité menacée par les sévères baisses de subvention qui, partant du département du Maine et Loire, commencent à faire tache d’huile dans toute la France par la faute de responsables politiques qui ne semblent pas considérer la culture comme essentielle à notre société.

François Hudry

Collégiale de Candes Saint-Martin (Indre et Loire), 24 août 2025

Crédits photographiques  : François Hudry

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