Une Bohème de plus ?
Une Bohème de plus ? Oui et non. Sans doute, l'opéra de Puccini est-il l'un des plus représentés au monde. Nous l'avions revu, en décembre dernier, à Anvers, dans une mise en scène sobre et poignante de Robert Carsen (voyez la critique sur le site). L'oeuvre est tellement riche et intense que la revoir, la même saison, ne dérange pas du tout, au contraire : les chefs-d'oeuvre ne lassent pas. L'approche de Stefano Mazzonis di Pralafera diffère de celle de Carsen tout en soulignant elle aussi le caractère simple et émouvant de l'intrigue de Murger. La transposition de l'action à la fin de la seconde guerre mondiale n'apporte pas grand-chose, hormis quelques jolies scènes d'atmosphère à la Barrière d'Enfer. Le décor est à deux étages : la scène est en haut et la foule déambule en bas. Par bonheur, rien ne heurte ni ne distrait, et le spectateur peut se concentrer sur l'aspect musical, très satisfaisant. J'ai assisté à la seconde distribution, et n'ai pu donc apprécier l'art de Patrizia Ciofi. Mimi était ici la jeune soprano lettone Ira Bertman, qui se produisait pour la première fois in loco. Mutine et effrontée au premier acte, elle donne le meilleur d'elle-même à l'acte III, et au dernier acte, où sa voix large et ses graves remarquables ont frappé. Son Rodolfo, Marc Laho, bien connu du public liégeois, très crédible au théâtre, possède un joli timbre de ténor assez léger, bien adapté au rôle, mais souffrant un peu de l'énergie dévorante de sa partenaire. Il était à son meilleur lors du duo avec Marcello, le roumain Ionut Pascu, ami sincère et passionné (et bon peintre !). Excellents Colline d'Alessandro Spina, à la belle conduite vocale, et Schaunard d'un Laurent Kubla en grande forme. Quant à la Musetta toute rousse de la jolie Lavinia Bini, elle fut une charmante découverte pour tous, et domina sans peine le tableau du Café Momus par son étincelante colorature. Parfait choeur d'enfants, hélas invisible (mais il est venu saluer à la fin du deuxième acte), et direction impeccable du chef maison, Paolo Arrivabeni, qui fit claquer les cuivres et caresser les cordes aux moments requis. Petit instant d'émotion : les adieux à la première clarinette de l'orchestre, très applaudie ! Un beau spectacle, moins affiné sans doute que celui de décembre à Anvers mais tout aussi fidèle à Puccini. C'est l'essentiel.
Bruno Peeters
Liège, Opéra Royal de Wallonie, le 26 juin 2016