Une grande pianiste engagée

par

Valentina LISITSA joue Philip GLASS (° 1937)
DDD-2015-75’ 57’’ et 74’ 53’’-Texte de présentation en anglais, français et allemand-Decca 478 8079

Née à Kiev en 1973, Valentina Lisitsa est une pianiste hors du commun. Bien qu’elle ait commencé à jouer dès son plus jeune âge et qu’elle ait remporté en 1991 avec Alexei Kuznetsoff (son mari) le concours pour deux pianos de la fondation Murray Dranoff à Miami, elle s’est fait connaître un peu partout dans le monde en postant des vidéos gratuites sur Youtube et en prenant publiquement parti dans le conflit pénible qui oppose l’Ukraine et la Russie. En quoi, elle est bel et bien ce qu’on appelle une artiste engagée, c’est-à-dire, selon la définition donnée par Jean-Paul Sartre, une personne qui met sa notoriété au service d’une cause. Engagée, oui, mais surtout extrêmement talentueuse, ainsi qu’on peut le constater en écoutant quelques-uns des enregistrements qu’elle a réalisés ces dernières années pour Decca, entre autres l’intégrale des concertos pour piano de Serge Rachmaninov avec le London Symphony Orchestra dirigé par Michael Francis et le choix des musiques de film du très inégal (et très surfait) Michael Nyman (en particulier La Leçon de piano de Jane Campion). Et voilà que Valentina Lisitsa donne un double CD comprenant une vingtaine de morceaux de Philip Glass, certains dans des arrangements de son collaborateur de longue date, Michael Riesman. Le plus court d’entre eux, Truman Sleeps, dure à peine deux minutes quarante, alors que le plus long, le célèbre How Now, se déploie sur une demi-heure et reflète bien le style du compositeur américain, pour qui le minimalisme n’est jamais une contrainte et qui, avec cette pièce datant de 1968, a écrit une musique spectrale aux accents envoûtants. Compte tenu de sa longueur, de ses changements rythmiques et de ses sonorités des plus complexes influencées par les ragas indiens, How Now réclame à la fois beaucoup de virtuosité et une extrême concentration – des qualités que Valentina Lisitsa possède à coup sûr et qu’on retrouve dans tous les autres morceaux qu’elle interprète ici (dont l’étonnant Mad Rush composé en 1979). Il y a du Martha Argerich chez Valentina Lisitsa. Un beau compliment, non ?
Jean-Baptiste Baronian

Son 9 - Livret 6 - Répertoire 8 - Interprétation 9

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