Une journée avec Louis XV, imag(in)ée par le clavecin de Céline Frisch

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L’Aimable, une journée avec Louis XV. François Couperin (1698-1787) : Le Réveil-matin ; Le Gazoüillement ; Le Rossignol-en-amour ; Les Amusemens. François d’Agincourt (1684-1758) : Allemande La Couronne ; Courante ; Sarabande La Magnifique ; Le Colin-Maillard. Pierre Dandrieu (1664-1733) : Carillon ou cloches. Louis-Claude Daquin (1694-1772) : Les Plaisirs de la chasse. Joseph-Nicolas-Pancrace Royer (1703-1755) : Les tendres Sentiments ; L’Aimable. Claude-Bénigne Balbastre (1724-1799) : Suite de Pygmalion par M. Rameau. Michel Corrette (1707-1795) : Les Étoiles. Céline Frisch, clavecin. Août 2020. Livret en français, anglais, allemand. TT 72’05. Alpha 837

Par les hasards du calendrier, cet album fut enregistré le même mois que « Life Pictures. Scenes of the Life of King Christian IV », où à l’orgue Peter Waldner illustrait la vie du souverain danois, par une anthologie qui en évoquait les étapes de naissance à trépas. C’est un autre monarque et une autre quotidienneté qu’a choisis Céline Frisch : retracer une journée à la Cour de Louis XV, en puisant au répertoire de clavecin de son époque. Une ambition initiée par un concert dans le cadre de l’édition 2016 des Fresques musicales du Château de Fontainebleau. Démarrage avec le Réveil-matin de Couperin. Suivent les émoustillements de la chasse qui court après le cerf et s’assouvit de curée, puis quelques pages qui répondent à la galanterie. Les passe-temps aristocratiques s’invitent au gré de jeux et divertissements, avant un coucher campé sous les Étoiles, une des partitions qui survit sans trop mauvaise grâce au catalogue de Michel Corrette.

Car, doit-on l’avouer, ce programme essentiellement descriptif ne relève toujours de ce que le clavecin français a légué de plus savant ou profond au XVIIIe siècle. Et pourtant l’affect qu’apprivoise Céline Frisch, dans les partitions de Royer (dont Les tendres Sentiments qu’elle fait ronronner sur le jeu de buffle) et dans Le Rossignol-en-amour, se fonde sur l’émoi durable de la sensibilité, se démarquant ainsi de la Sophie telle que la dépeignait Jean-Jacques Rousseau dans L’Émile, portrait d’une « aimable Française, voulant plutôt briller que plaire, cherchant l’amusement et non le plaisir ». Au-demeurant, les séquences les plus iconographiques ou narratives bénéficient d’un instrument haut en couleurs et en saveurs : une copie faite par Andrea Restelli d’après un Goujon modifié par Joachim Swanen. L’interprète en vante la variété fantasque, la palette acidulée qui permet « d’aller très loin dans la caractérisation des pièces ».

Dans la notice sous forme d’interview, Céline Frisch rappelle aussi une recommandation de Gustav Leonhardt quand il dirigeait l’ensemble Café Zimmermann qui la comptait au clavier : « il faut que cela sonne a-gré-able ». Les quelques œuvres délicates du menu ont retenu la leçon, parfois trop, par exemple L’Aimable, plus pâle que celle qu’enregistrait Christophe Rousset chez L’Oiseau-Lyre. Les autres saynètes sont croquées avec brio (superbe défilé de la Suite de Pygmalion), qui sans se devoir d’inventer un génie aux pages creuses, les nantit d’une animation à l’honneur de la claveciniste et de son séduisant projet.

Son : 8,5 – Livret : 8,5 – Répertoire : 7-9,5 – Interprétation : 9

Christophe Steyne

 



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